Analyse

Pourquoi McLaren a rejoint Williams dans la quête d'investisseurs

McLaren est ouvert à la vente d'une partie des actions de son écurie : cette information fait suite à une autre survenue le mois dernier, selon laquelle Williams est non seulement à la recherche de nouveaux investisseurs mais également prêt à vendre la totalité de son équipe.

Carlos Sainz Jr., McLaren MCL35

Carlos Sainz Jr., McLaren MCL35

Steven Tee / Motorsport Images

Le fait que deux écuries historiques se retrouvent en difficulté financière est malheureusement une mise en cause directe de l'état dans lequel se trouve la Formule 1. Le COVID-19 a aggravé les choses dans la mesure où les revenus ont diminué et que ce sera encore le cas un certain temps, mais les deux sociétés naviguaient déjà en eaux troubles. Toutes les deux ont fait face à une tempête. Ce sont toujours de grandes équipes en matière de personnel et de frais généraux, mais ces dernières années elles n'ont pas été compétitives. Cela a une incidence directe sur les revenus qu'elles reçoivent de la F1, et naturellement elles sont devenues moins attrayantes pour les sponsors.

En outre, toutes les deux ont décroché leurs plus grands succès lorsqu'elles étaient des équipes d'usine pour des constructeurs majeurs, avec tous les bénéfices techniques et financiers que cela comporte. Elles paient aujourd'hui le prix d'avoir recours à des unités de puissance clientes. Par le passé, c'est le coût des moteurs qui a tué des écuries bien établies comme Arrows et Prost. L'équipe française avait signé un contrat avec Ferrari pour 2001-2003 qui l'engageait à payer 28, 30 puis 32 millions de dollars sur les trois ans, soit un montant faramineux à l'époque. Le contrat n'a même pas atteint la deuxième année car l'écurie a fait faillite.

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Près de vingt ans plus tard, les coûts de fourniture moteur ont baissé et représentent une part bien moindre du budget global d'une équipe. Néanmoins, cela reste une somme importante, et le statut de client symbolise en quelque sorte la manière dont la perception des deux équipes a changé au fil des ans. Pour McLaren, le fait d'avoir mis fin à l'accord d'usine avec Honda et de voir Red Bull Racing réussir avec le motoriste japonais par la suite ne fait qu'empirer la situation.

Ross Brawn, le patron sportif de la F1, a bien résumé les choses dernièrement lorsqu'il a souligné que les performances en piste avaient forcément une incidence économique.

"La réalité fait que la F1 est brutale, on vous juge toutes les deux semaines en piste, ou toutes les semaines comme ce sera le cas ces prochains mois !", disait-il à Motorsport.com. "Il est impossible de se cacher. Franchement, si vous terminez dernier comme c'est le cas pour eux [Williams] depuis quelques années, il y a des conséquences. Ils ont malheureusement atteint ce stade désormais."

"Quiconque s'impliquera devra examiner les raisons fondamentales pour lesquelles ils n'ont pas pu être performants afin de savoir si ce n'est qu'une question financière ou si cela vient de la structure ou de l'approche qu'ils ont empruntée. Honnêtement, je ne sais pas. Mais cette compréhension est nécessaire. Ce pourrait être uniquement économique, et avec un soutien financier supplémentaire ils pourraient alors être plus compétitifs. Il faut que quelqu'un essaie de comprendre ce qui se passe." 

Brawn a insisté sur le fait que rien ne pouvait remplacer les résultats : "Les deux équipes ont connu de mauvaises performances. Si McLaren avait remporté des titres mondiaux et se retrouvait dans l'état qui est le leur actuellement, on dirait qu'il y a quelque chose qui ne va pas en F1. Mais en réalité, McLaren n'a pas été performant ces dernières années et, comme je le disais, la F1 est brutale. Rien n'est gratuit en F1, et si vous êtes à ce niveau pendant plusieurs années, vous en payez les conséquences, vous perdez des sponsors, vous perdez des primes et ça devient un cercle vicieux."

Lando Norris, McLaren MCL35

La quête de nouveaux investisseurs chez McLaren est directement liée à la volonté de retrouver un bon niveau de performance. La société mère, McLaren Group, cherche de nouvelles rentrées d'argent, ce n'est pas un secret, et maintenir un constructeur de supercars en bonne santé financière pendant la crise du COVID-19 n'a pas été une tâche facile. En parallèle, l'écurie de course, qui représente 20% des recettes globales du groupe, a un besoin très spécifique de liquidités supplémentaires. Cela permet d'expliquer pourquoi le projet de vente n'implique que McLaren Racing, sans la distraction d'un actionnariat dans la société mère et dans le secteur des voitures de route.

La saison 2021 sera aussi importante en dehors que sur la piste, car c'est l'année durant laquelle toutes les équipes travailleront d'arrache-pied sur leur programme R&D en vue de la nouvelle réglementation entrant en vigueur en 2022. Celui qui sera à la traîne aura besoin d'un certain temps pour rattraper le retard pris. Le report d'un an de cette nouvelle réglementation fait qu'elle se préparera en présence du plafond budgétaire mis en place en 2021, ce qui ne devait pas être le cas initialement. En théorie, les équipes disposeront potentiellement toutes du même niveau de ressources lorsqu'elles aborderont cette année cruciale de développement.

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Cependant, pour une écurie de milieu de grille, compter sur la réduction de voilure qui touchera Mercedes, Ferrari et Red Bull Racing ne suffira pas. Il faut s'assurer d'avoir les fonds nécessaires pour utiliser les 145 millions de dollars de budget pour 2021, qui tomberont à 140 M$ en 2022 puis 135 M$ pour la période 2023-2025. Il faut être en situation de dépenser à la limite, surtout en 2021, sous peine d'être condamné à des années de médiocrité. En d'autres termes, McLaren ne veut pas seulement survivre et participer mais veut saisir l'opportunité d'un nivellement des forces pour rebondir et retrouver toute sa compétitivité. Puis, si les résultats suivent, l'argent suivra naturellement avec une plus grande part de revenus de la F1 et des sponsors.

Personne ne sait quelle sera la situation économique de la F1 ces deux prochaines années suite au COVID-19, ni dans quelle mesure les revenus générés par les Grands Prix, la télévision et les sponsors retrouveront leur niveau d'avant la crise. Il y a toutefois des signaux positifs. L'abaissement du plafond budgétaire et d'autres mesures ont été décidés à un moment raisonnablement opportun, et les nouveaux Accords Concorde promettent une répartition plus équitable des revenus de la F1. Mais les choses ont-elles changé trop tard ?

"Je pense qu'il y a désormais un modèle viable pour la plupart des équipes", estime Cyril Abiteboul, directeur de Renault F1, auprès de Motorsport.com. "Il arrive peut-être un peu tard, à un moment où certaines équipes ont peut-être accumulé des dettes suite aux dernières saisons. Je ne pense pas seulement à Williams, même si ce sont eux qui font parler d'eux, mais je suis certain que c'est le cas pour de nombreux autres. Ce dont nous parlons, c'est de la manière dont les équipes vont gérer l'héritage des années précédentes."

"En regardant vers l'avenir, il y a clairement un modèle viable. Si l'on fait du bon travail au niveau du sponsoring, s'il y a de bonnes performances, on voit qu'il y a quasiment la perspective d'atteindre l'équilibre entre le plafond budgétaire et les recettes. C'est un changement de modèle complet, car soudainement on transforme une entreprise qui est historiquement et de longue date déficitaire en une entreprise qui pourrait générer du profit."

Ainsi, quiconque s'intéresse à Williams et McLaren doit le faire pour le long terme et avec la conviction que la F1 va rebondir. Il sera fascinant de voir qui sera prêt à relever ce défi, quelle que soit l'équipe.

Lando Norris, McLaren MCL34, leads Robert Kubica, Williams FW42

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