Si le monde veut tenir ses objectifs climatiques, les États doivent se pencher urgemment sur leur approvisionnement en minerais nécessaires à la transition énergétique, souvent concentrés dans un petit nombre de pays, appelle mercredi l'Agence internationale de l'énergie.

"Cette concentration géographique, les délais pour mettre en œuvre de nouvelles productions minières, la qualité déclinante des ressources dans certaines régions, et les impacts environnementaux et sociaux (des mines)...Tout cela génère des préoccupations en terme d'approvisionnement", résume Fatih Birol, le directeur de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE).

"Ces risques sont réels, mais surmontables", dit-il : tout dépendra de "la réponse des politiques et entreprises", qui "fera que ces minerais critiques permettent une transition vers des énergies propres, ou au contraire créent un goulot pour tout le processus". Voitures électriques, rotors d'éoliennes et autres unités de stockage sont très gourmands en certains métaux : une voiture électrique en demande six fois plus qu'un véhicule à moteur thermique, un site éolien terrestre neuf fois plus qu'une centrale à gaz de taille équivalente, pointe l'AIE.

Lithium, nickel, cobalt, manganèse, graphite offrent longévité et efficacité aux batteries, les aimants de turbine font appel à des terres rares, les réseaux exigent du cuivre...

Dans un rapport publié mercredi, l'Agence a évalué les besoins futurs, en fonction des évolutions technologiques et du rythme auquel le monde se tournera vers des énergies bas-carbone (charbon, pétrole et gaz générant aujourd'hui les trois-quarts du réchauffement planétaire).

Selon l'AIE, d'ici 2040, la demande globale du secteur énergétique pour ces minerais pourrait quadrupler si le monde se conforme aux engagements de l'accord de Paris. Ce sera un facteur six s'il tend vers la neutralité carbone pour le milieu de siècle.

Pour le seul lithium, la demande sera multipliée par 40, voire 75. L'électronique grand public n'en est déjà plus le premier consommateur, détrônée par les véhicules électriques et batteries.
La production électrique exigera trois fois plus de minerais, tirée par l'éolien offshore et le secteur photovoltaïque. Et plus d'hydrogène, ce sera plus de platine.

Alors que le prix des technologies recule, les minerais devraient prendre une part croissante de leur valeur totale, rendant la filière d'autant plus vulnérable aux variations du marché des métaux. Or, plus que pour le pétrole par exemple, la production est souvent concentrée sur quelques pays. En 2019, la République démocratique du Congo et la Chine ont produit 70 % et 60 % respectivement du cobalt et des terres rares. Et le raffinage est dominé par la Chine, sur son territoire ou ailleurs.

"Que se passera-t-il si nous ne prenons pas garde au sujet des minerais ? Les prix risquent de grimper de manière abrupte, synonyme de transition plus coûteuse et donc plus lente que nous le souhaitons", précise Fatih Birol.

"Les chiffres montrent un décalage imminent entre des ambitions climatiques mondiales accrues et la disponibilité de minerais critiques indispensables pour concrétiser ces ambitions", prévient-il, "appelant" les gouvernements à "élargir leurs horizons", à ne "pas seulement subventionner voitures électriques ou panneaux solaires, mais penser aussi au revers de la médaille".

"En agissant dès maintenant et de concert sur la question des minerais, les gouvernements peuvent significativement réduire les risques de volatilité des prix et de perturbation de l'offre", ajoute-t-il.

L'AIE émet plusieurs recommandations : notamment que les États du monde publient leurs stratégies climatiques de long terme, et le détail de leurs actions, pour conforter les investisseurs miniers. La coopération internationale entre producteurs et utilisateurs devrait être renforcée, tout comme les normes environnementales et sociales entourant l'extraction, ajoute l'Agence.

Le recyclage aussi doit être promu. "Le plus important, ce sont les économies d'échelle, et des designs favorables. Les politiques peuvent l'encourager", a précise à des journalistes Tae-Yoon Kim, l'auteur principal du rapport. Certains États agissent déjà, note Tim Gould, qui a co-dirigé l'étude : "certains cherchent des fournisseurs responsables, d'autres s'intéressent aux investissements. Mais il y a de la place pour faire bien plus".