Nous ne prenons pas le temps d'apprécier les choses. C'est un fait. L'autre jour, j'ai eu la malchance de prendre le métro pour un court trajet dans Paris, laissant ainsi ma moto au garage. Quelle erreur ai-je fait là. Outre le fait que ce mode de transport n'est aujourd'hui plus du tout adapté à accueillir dans des conditions descentes le nombre de passagers qui y voyagent, comme les voitures en surface cela dit, j'ai profité de ce mauvais moment pour observer ce que faisaient les gens afin d'occuper cette attente abyssale se concluant par l'arrivée dans une station de métro sombre et lugubre.

Il y a ces gens qui lisent, des gros pavés pour la plupart, sûrement des thrillers ou autres fictions du genre qui m'ennuient au plus haut point. Prennent-ils le temps de vraiment lire ? Je n'en sais rien. Puis il y a ceux, la majorité, sur leurs smartphones. Que font-ils ? La plupart scrutent les réseaux sociaux, d'autres s'informent sur ces mêmes réseaux où sur les applications de certains médias, tandis que d'autres échangent par messages. Que de belles observations me direz-vous. Oui, sauf qu'en regardant de loin leur écran, je m'étonne avec quelle rapidité mes compagnons de galère passent d'une information à une autre. Instagram est sûrement le meilleur exemple.

Des agences de communication mettent des sommes ahurissantes pour mettre en avant un produit, avec une belle photo et un beau texte (il s'agit d'un navet marketing en réalité), pour se faire scroller d'un simple coup de pouce par n'importe qui. Il en va de même pour la photo du copain en vacances, la photo de la tarte aux poires de dimanche dernier postée par la cousine, ou encore des deux enfants du collègue partis en week-end en Normandie. Toutes passent rapidement à la trappe, parfois sans même lire la petite légende qui n'apporte rien, mais qui fait plaisir à son auteur. Puis tout à coup, vous tombez sur la photo d'un garçon ou d'une fille que vous aimez bien. Du coup, vous prenez un peu plus le temps. Vous cliquez même sur son profil pour regarder ses précédentes publications, vous regardez qui a aimé ses photos, les quelques commentaires qui les agrémentent. Bref, ça, vous prenez le temps de le faire, mais juste derrière votre écran. Car en réalité, dans ce même métro, ce n'est pas la même chose.

Il y a avait ce jeune homme par exemple, qui semblait apprécier une femme, toute aussi jeune que lui, mais qui ne prenait pas − ou qui n'osait pas serait le terme le plus exact − prendre le temps de la regarder. Son regard oscillait entre son smartphone et le visage de la jeune fille. Sans jamais vraiment prendre le temps de la regarder vraiment. "Mais pourquoi tu ne prends pas le temps de la regarder vraiment une bonne fois pour toute ?", me disais-je. La réponse, c'est qu'il pourrait passer pour un malade aux yeux de cette jeune fille, alors qu'il souhaite simplement la contempler parce qu'il la trouve sûrement belle. Ce serait d'ailleurs tout à fait normal de la part de cette jeune demoiselle de se poser la question. Malheureusement, il y a des risques qu'elle tire une conclusion bien hâtive en se disant qu'il s'agit d'un énième pervers ou, au mieux, d'un mauvais dragueur qui tente d'attirer son attention. Comment lui en vouloir après tout ?

L'enfer du périphérique parisien

Vous vous demandez certainement où je veux en venir, et surtout quel est le rapport avec notre petite Alpine d'essai. Avec notre A110 d'un week-end, pour la première fois, j'ai eu l'impression de prendre le temps avec une voiture. Le temps de l'apprécier. Pourtant, ce n'est pas la première fois que je l'essaye. D'autres semblent aussi avoir pris le temps de l'apprécier. D'ailleurs, il y a une sacrée différence entre la manière de l'apprécier à Paris et en province. C'est évidemment à Paris que je récupère l'Alpine, l'occasion de faire du cul-à-cul avec d'autres automobilistes beaucoup moins chanceux que moi, et donc de regarder un peu la réaction des passants.

En ville, certains tournent simplement la tête, sans vraiment s'arrêter. D'autres y jettent juste un rapide coup d'œil, tandis que certains ne la remarquent même pas. Sur le périphérique, une nouvelle fois bondé soit dit en passant, certains motards lèvent le pouce, tandis que mes compagnons de malheur regardent brièvement la voiture mais reviennent rapidement à leur activité principale : alterner regard sur le pare-choc arrière de la voiture de devant et le smartphone.

À un moment, il y a tout de même eu un type qui s'agitait un peu sur le siège passager d'un Renault Captur. Il me fait signe d'ouvrir ma fenêtre. Comme il a l'air sympa, j'accepte, quitte à prendre une bouffée de CO2 en pleine face. C'était un Belge, incroyablement heureux de voir pour la première fois une nouvelle Alpine A110. Il ne doit pas arpenter la France très souvent puisqu'il s'en est déjà écoulé 2454 unités à la fin août 2019 et 1156 en 2018. Il fait des photos, me pose quelques questions, bref, ce type a pris le temps d'apprécier cette voiture hors du commun. Plus que moi d'ailleurs à ce moment alors que je roule avec depuis déjà une heure.

Essai Alpine A110
Essai Alpine A110

La France que l'on aime... mais pas tout le temps

Après environ 200 kilomètres d'autoroute, me voilà arrivé à mon lieu de villégiature, en Bourgogne. Les gens chez qui je dors pendant deux nuits me font immédiatement une remarque sur l'Alpine, surtout le monsieur, ancien commissaire de piste à ses heures durant les 24 Heures du Mans. Des histoires, il en a beaucoup à raconter, notamment en matière d'automobile. Il apprécie, pose des questions, écoute le bruit du moteur le matin quand j'allume ma petite Alpine. Cet homme prend le temps d'apprécier.

En Bourgogne, il y a de jolies routes qui traversent notamment les vignes et qui relient les quelques villages aux alentours. Je croise du monde évidemment, du monde qui apprécie la voiture. Il y a eu, par exemple, ce père de famille qui s'est arrêté pour montrer et peut-être expliquer à ses enfants quelle était cette voiture. Il y a eu aussi ce vigneron, sur son tracteur, que j'ai croisé à une intersection et qui a levé les mains au ciel et souri fièrement en voyant notre berlinette. Puis il y a eu ces jeunes alcoolisés, croisés à Chablis, qui fêtaient la fin des vendanges dans une atmosphère très sympa. Ils ont eu quelques mots, pas toujours compréhensibles, concernant ma petite Alpine. C'était vraiment bien, et on sent vraiment que les gens ici prennent plus le temps d'apprécier les choses.

Bon, il y a aussi ces deux jeunes filles, de vingt ans à peine, qui se sont avachies sur l'aile avant droite de la voiture, qui était garée, pendant qu'elles buvaient leur coup près d'un bar. Celles-ci, elles n'ont rien compris. Elles se croient tout permis et pensent que la jeunesse excusera leurs faits et gestes les plus idiots, ou pire, qu'elles étaient ivres, et donc moins lucides à ce moment là. En réalité, elles manquent juste d'éducation et de respect vis-à-vis des autres. Avec de telles bases, elles n'iront pas bien loin rassurez-vous. Au pire, elles bloqueront un rond-point pour ennuyer les autres quand l'essence sera une nouvelle fois trop chère. Encore faut-il, qu'elles aient la notion des prix me direz-vous. Si elles l'avaient, elles ne se seraient pas assises sur une carrosserie, au risque de l’abîmer, et donc de débourser pas moins de 3000 euros pour la repeindre.

Essai Alpine A110
Essai Alpine A110

Deux finitions, une même philosophie

Agacement trop prononcé dites-vous ? Certainement, mais vite gommé par cette extraordinaire voiture sortie tout droit d'un XXIème siècle moribond. Franchement, avec toutes les immondices que l'on nous sert depuis quelques années, cette Alpine A110 est une bénédiction, n'est-ce pas ? Sa fiche technique, vous la connaissez sûrement par cœur. Je vous la rappelle au cas où : moteur quatre cylindres 1,8 litre TCe de 252 chevaux et 320 Nm de couple associé à une boîte robotisée à double embrayage EDC à sept rapports qui est chargée de distribuer la puissance aux seules roues arrière. Les performances ? Le 0 à 100 km/h est abattu en 4,5 secondes et la vitesse maximale est atteinte à 250 km/h. Mais ce n'est pas ça la donnée la plus importante. Le plus important c'est son poids : 1098 kilos, que l'on doit essentiellement à sa structure en aluminium.

Après les essais des versions "Première Édition" et "Légende", il ne nous restait plus que la version "Pure" à prendre en main. Autant vous le dire tout de suite, ça ne change pas grand-chose en termes de conduite, voire même rien du tout malgré ses 25 kilos en moins par rapport à une "Légende". Les principales différences s'articulent autour des équipements disponibles, la "Légende" reçoit par exemple des jantes de 18 pouces contre 17 pour la "Pure", des sièges plus confortables et donc plus lourds ou encore un système audio Focal.

Le savant dosage

Direction précise, train arrière mobile, moteur engageant, boîte EDC un peu mal étagée... L'argumentaire concernant cette Alpine A110 est déjà bien éculé et honnêtement je n'aurais pas grand-chose à rajouter, tout a été dit par mes confrères. Je soulignerais peut-être simplement l'équilibre de l'auto, absolument parfait, tout comme le réglage des suspensions, souples en compression pour ne pas ruiner vos lombaires mais assez rigides pour encaisser une double charge ou un freinage de goret, suivi d'une mise en appui mal dosée.

La finalité de cet article, c'est de mettre en lumière cette fabuleuse voiture qui vient mettre un sacré tacle aux idées reçues, comme quoi les Français n'aiment plus la voiture. Les Français aiment l'auto quand on leur sert quelque chose de convaincant. Et ils savent, pour la plupart, l'apprécier. Cette Alpine A110 s'apprécie, aussi bien en tant que conducteur qu'observateur. Surtout en tant qu'observateur d'ailleurs, en prenant le temps de disséquer ses formes et ses courbes, en s’imaginant d'ailleurs peut-être à son volant. C'est aussi mieux pour apprécier la sonorité du petit quatre cylindres qui ronronne plutôt bien. En réalité, pour en revenir à ce que je disais plus haut, l'Alpine A110, c'est ce garçon ou cette fille que vous aimez bien. À ceci près que celle-ci ne dispose pas d'émotions, elle les distille. Elle ne vous jugera pas si vous la regardez un peu trop longtemps, donc prenez le temps de l'apprécier. Parce qu'un jour, elle ne sera sûrement plus.

Galerie: Essai Alpine A110 "Pure"