La vie est parfois faite de déceptions. Certains évoqueront la finale perdue en 2006 contre l'Italie lors de la Coupe du monde de football, d'autres une rupture douloureuse, et pour ceux qui consomment du pneu à chaque repas, l'abandon du moteur essence pour un bloc diesel sur les Audi S4, S5, S6 et S7. En effet, après avoir déjà perdu le V8 atmosphérique de la précédente génération, c'est aujourd'hui le V6 3,0 litres turbo qui disparaît du catalogue européen au profit d'un V6 3,0 litres TDI de 347 chevaux et 700 Nm de couple. "Disparaît" n'est d'ailleurs pas forcément le mot approprié, puisque l'Audi S4 avec le V6 essence de 354 chevaux reste proposée sur d'autres marchés, notamment aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, la gamme S chez Audi avec du sans-plomb, c'en est fini en Europe. Du moins pour les quatre modèles précités.

En effet, la future S3 restera en essence avec un quatre cylindres 2,0 litres TFSI de 310 chevaux, tandis que la nouvelle S8 embarque un gros V8 4,0 litres TFSI de 571 chevaux. Deux modèles à part en somme puisque la S3 se vend déjà plutôt bien à la base, chose qui n'est plus forcément le cas pour la famille S4, S5, S6 et S7, surtout après la sortie des versions plus radicales RS 4, RS 5, RS 6 et RS 7. En effet, même après la commercialisation d'une RS 3, la S3 continue de faire des heureux du fait de sa polyvalence à toute épreuve mais aussi de son tarif bien plus contenu que sa grande sœur. La S8 évolue dans une autre sphère et le V8 essence est sûrement l'argument numéro un pour les rares clients de ce type d'engin. Mais cette génération devrait toutefois être la dernière du genre. Quant à une éventuelle Audi RS 8, n'y pensez même pas puisqu'elle n'existera pas.

Essai Audi S4 Avant (2019)

Pourquoi en diesel et pas en hybride ?

En réalité, avec ces nouveaux modèles S en diesel, Audi s'adresse à un nouveau type de client : les gros rouleurs. Dans les faits, l'arrivée d'un tel moteur permet avant tout de faire diminuer les émissions de CO2, de 13 grammes en l'occurence par rapport à l'ancien modèle, et de se rapprocher des objectifs européens prévus pour 2021. Tout en sachant que de nouveaux objectifs arriveront en 2025 mais aussi en 2030. Nul doute que cette gamme S en diesel n'est que transitoire. À l'avenir, elle pourrait, peut-être, devenir hybride et ainsi retrouver un moteur essence par la même occasion.

Aujourd'hui, au vu de la première échéance, Audi n'avait pas forcément le choix, d'autant plus que l'hybridation n'arrive que très discrètement dans la gamme avec les modèles TFSI e, comme si Audi n'y croyait qu'à moitié. Ou bien ne savait pas sur quel pied danser, ce qui serait après tout assez logique étant donné l'illogisme du législateur à certains niveaux. Dans la gamme, il y a des moteurs plus appropriés pour les gros rouleurs comme le TDI de 163 chevaux par exemple. Il vous permettra de couvrir plus de 1000 kilomètres avec un seul plein grâce à des consommations plus que contenues. On ne va pas se mentir, ce n'est pas forcément le grand frisson à son volant.

Du coup, avec la nouvelle S4 TDI, le gros rouleur y trouvera peut-être son compte avec une puissance similaire à "l'ancienne" version essence et des performances quasiment équivalentes. Le 0 à 100 km/h, par exemple, réclame 4,8 secondes contre 4,7 pour l'ancien modèle. Le tout avec des consommations plus que correctes puisque son conducteur pourra tabler sur environ 7 l/100 km en usage autoroutier et pas plus de 12 l/100 km en usage dynamique.

Essai Audi S4 Avant (2019)
Essai Audi S4 Avant (2019)

Évidemment que c'est bien

Mais une Audi affublée d'un S, cela doit être avant tout sportif. Et comment une voiture diesel peut être sportive ? En usant de pas mal d'artifices évidemment. Esthétiquement d'une part, rien ne la différencie d'une Audi S4 essence, hormis le nouveau restylage. La sonorité ? Elle trahit clairement ses gênes, mais tout dépend d'où vous vous situez. Devant, son moteur sonnera comme un bon vieux TDI. C'est très moche et franchement ça ne donne pas envie. De dos, c'est complètement différent avec une sonorité ultra artificielle mais très sympa à l'oreille, même si c'est un poil too much puisqu'on la confondrait presque avec une Mustang GT. Après cette constatation digne d'un enquêteur écossais à l'aéroport de Glasgow, nous nous retrouvons derrière le volant avec un dernier indice qui trahit les velléités de notre engin : le compte-tour gradué jusqu'à 6000 tr/min avec une zone rouge qui débute à 5000. On ne peut pas tout falsifier non plus.

Au volant, l'Audi S4 TDI est une catapulte. Avec 700 Nm de couple disponible dès les plus bas régimes, les reprises pied au plancher en sortie de virage sont assez surprenantes, et on prend un malin plaisir à accélérer les roues encore braquées pour effacer plus rapidement le virage et sauter jusqu'au suivant. La motricité est impeccable, tous les chevaux et la montagne de couple passent au sol, grâce à une bonne vieille boîte Tiptronic à huit rapports avec convertisseur. Honnêtement elle fait le job, plutôt bien d'ailleurs, elle refuse toutefois de descendre d'un ou deux rapports quand c'est nécessaire en conduite dynamique. Les mises en vitesse et les reprises c'est très bien, la motricité aussi, la fausse sonorité on aime moyennement et les performances sont correctes.

Sans défaut cette Audi S4 ? Loin de là, car même si les ingénieurs ont tout fait pour gommer les défauts du diesel, certains sont inhérents à ce type d'énergie. Si nous avons globalement apprécié l'allonge du V6 de l'ancienne S4, bien qu'elle ne soit pas non plus extraordinaire, le TDI pousse fort très tôt mais s'essouffle aussi très vite. Bon, cela reste toutefois un V6 avec toutes les qualités qui gravitent autour, c'est-à-dire onctuosité, agrément et polyvalence, mais on ne va pas se mentir, même si la S4 diesel nous a surpris, elle procure moins de plaisir que l'ancienne. Mais on s'attendait à pire.

Essai Audi S4 Avant (2019)
Essai Audi S4 Avant (2019)

L'écologie a bon dos

Quel drame pour l'industrie automobile que ces nouvelles normes environnementales toujours plus restrictives et faites à la va-vite sans aucune cohérence. Effectivement, l'urgence écologique est bien là, notre planète souffre de notre activité depuis bien des années et nous envoie des signaux forts concernant son état. Il faut réagir et la prise de conscience est, semble-t-il, bien en marche. De nombreux efforts sont encore à fournir, notamment de la part des acteurs de l'industrie, du transport, de l'agriculture... De tous les secteurs en somme.

Mais, avouons-le, la voiture est devenue depuis quelques années la cible numéro un des législateurs dans de nombreux domaines, quitte parfois à tout mélanger soit disant au profit de l'écologie. L'écologie qui a d'ailleurs bon dos pour taxer tout et n'importe quoi et faire entrer encore plus d'argent dans les caisses. Avec la sécurité aussi, deux arguments massues pour se remplir les poches tout en vidant celles des usagers de la route et des acteurs de l'industrie automobile.

L'industrie automobile doit évidemment faire des efforts pour réduire drastiquement son empreinte carbone. Mais prendre à la gorge ces entreprises avec des échéances impossibles à tenir, est-ce vraiment la meilleure solution ? Loin de moi l'idée de les plaindre, mais qui fera encore les frais des futures amendes à venir si nous en restons là ? Les employés, comme d'habitude, à grand coup de plans sociaux pour retrouver un "cash flow positif" comme on dit dans le jargon bureaucratique marketing moderne.

Essai Audi S4 Avant (2019)

Sauf que l'écologie, et la vie d'une manière générale, ce n'est pas du marketing. Ces annonces complètement erronées à peine sorties de la bouche du législateur ne sont aujourd'hui que des annonces marketing avec, en toile de fond un peu d'écologie certes, mais au premier plan une guerre d'égo sans précédent. Regarde, législateur, ce que les constructeurs font : une Audi S4 diesel pour tenter de réduire au maximum son emprunte carbone en vue des échéances de 2021. Drôle n'est-ce pas après le scandale du dieselgate ?

Car même si le dieselgate ne concernait pas spécifiquement le CO2, il n'en demeure pas moins que le sujet principal est le même : les rejets polluants. Législateur, si tu avais été bon et si tu avais donné du temps pour amorcer une transition plus intelligente, l'Audi S4 serait peut-être encore essence aujourd'hui, mais plus rapidement hybride demain, électrique après-demain et cela va de paire évidemment avec le reste de la gamme.

L'industrie automobile va traverser une période de trouble sans précédent. Il y aura des dégâts, certains vont tirer leur épingle du jeu probablement, mais ça s'annonce tout de même très compliqué. Très compliqué et passionnant, car les ingénieurs vont sans doute redoubler d'inventivité pour nous sortir des voitures incroyables. Enlevez leur le couteau sous la gorge tout de même, ça nous aurait évité de nous retrouver avec une Audi S4 diesel. Car ça a beau être une voiture sympa, au final, la nouvelle S4 est en fait le reflet de la politique écologique incohérente menée par le législateur.

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