Il s'agit tout simplement de la plus extrême et de la meilleure Abarth jamais produite. Autant être catégorique dès le début. Jamais nous n'avons essayé de voiture aussi jouissive, dans cette catégorie du moins, tout en étant homologuée pour la route. La "petite supercar" comme on aime l'appeler, est une voiture comme on en fait plus. À bas les conventions, les aides à la conduite, les assistances trop intrusives et le confort. Place au sport automobile, le vrai, le pur, le dur, là où chaque rapport claque à la vitesse d'un battement de cils, là où le turbo souffle aussi fort qu'un vent d'ouest impétueux, là chaque bosse vous rappelle de soigner au plus vite votre scoliose...
Abarth a sans doute produit sa sportive la plus ultime, la plus exclusive et surtout la plus amusante de son histoire. Rares sont vos chances d'en croiser une sur votre route, en tout cas dans notre configuration ultime avec tout le bardât d'équipements inutilement indispensables pour se prendre pour le pilote que l'on n'est pas. Notre version d'essai, vidée de tout élément lié au confort (climatisation, radio...) avoisine les 70'000 €. Onéreux certes, surtout qu'à ce prix on pourrait s'offrir une Porsche 718 ou encore une sympathique petite BMW M2, mais qu'importe. Cette voiture s'adresse à de vrais connaisseurs, des amateurs de piste, parfois -même souvent- assez fortunés, souhaitant s'offrir une vraie alternative aux sportives habituelles.

Régime protéiné
Reposant sur les bases d'une Fiat 500, difficile de faire le parallèle avec la petite citadine italienne sous cet accoutrement. L'Abarth 695 biposto est une ode à la joie pour nos yeux, non pas par sa beauté, car on ne peut pas vraiment la caractériser comme telle, mais par tout son package esthétique lui conférant une véritable gueule. Les boucliers, entièrement revus et beaucoup plus larges contrastent avec l'aspect enfantin et si sage de la petite Fiat 500, dont l'Abarth ne conserve au final que les blocs optiques. Elle reçoit même quelques éléments en carbone, d'origine Adler Plastic, que l'on retrouve notamment sur les Alfa Romeo 4C et 8C.


Disponible uniquement sous cette teinte gris mat, notre petite Abarth gagne également en muscle avec des voies élargies de 10 millimètres avec, en prime, l'une des premières options financièrement indécentes : le kit "124 Speciale". Pour la modique somme de 4000€, votre 695 biposto reçoit un capot bosselé réalisé en aluminium, et des capuchons de radiateur, du carter d’huile et du réservoir fraisés siglés du scorpion. Comment ça cher pour ce que c'est ? Qu'on se le dise, rien n'est trop onéreux dans cette petite Abarth. Absolument rien. Même pas les 2500 € réclamés pour supprimer les vitres latérales classiques au profit de panneaux fixes en Lexam, avec une simple petite fenêtre coulissante en guise de climatisation naturelle. Plus bruyant certes, mais plus léger.



En parlant de bruyant, l'échappement a lui aussi été retouché. Si vous avez déjà croisé une Abarth 595 classique ou équipée du pot "Record Monza", vous savez d'ores et déjà que le bruit est assez sympathique. Alors, imaginez avec une ligne en titane signée Akrapovič. C'est simple, c'est indescriptible. Il n'y a absolument aucun mot pour décrire ces vocalises, non pas quelles soient aussi exceptionnelles qu'un V12 Matra ou qu'un V8 Ferrari, disons que l'on n'avait jamais entendu ça avant.
Le confort ? Quel confort ?
À l'intérieur ce n'est pas confortable. Autrement dit, imaginez-vous vous asseoir sur une chaise de jardin en bouleaux pubescents de Scandinavie. Vous imaginez ? Parfait, maintenant imaginez cela jumelé à des suspensions très fermes EXT Racing Shox, des routes dégradées, et cela pendant environ 700 kilomètres. Compliqué n'est-ce pas ? Si nous rajoutons à la liste : sans climatisation, sans radio, sans GPS, sans prise allume-cigare, sans poignée, sans tout le confort habituel en résumé, la biposto n'est pas accueillante, et c'est pour cela qu'on l'aime.



Cet inconfort est principalement dû aux excellents sièges Abarth Corsa by Sabelt, au maintien absolument parfait, étayés de harnais (avec le kit course comprenant également les coques de baquet en carbone) en complément de la ceinture classique pour accentuer l'immersion au sein d'une vraie voiture de course. Tout est pensé autour du sport automobile et de la performance, encore plus quand vous cochez encore quelques options là aussi à un prix frôlant l’indécence. Le kit carbone par exemple, qui habille la console centrale, les panneaux de portes et les coques de rétroviseurs est facturé 5000€. Oui, 5000€ pour orner son auto d'un matériau léger mais qui implique encore quelques concessions, notamment au niveau des contre-portes puisque la poignée disparaît au profit d'une simple sangle visée au panneau.


L'équipement est réellement au service de la performance, en témoigne l'arrière complètement arceauté en lieu et place de la banquette traditionnelle ou encore l'enregistreur numérique MXL2 fourni par AIM qui a pour but de retranscrire toutes les données en temps réel quant à l'utilisation de la voiture. Sous nos yeux, nous retrouvons en revanche un écran TFT de 7 pouces, le même que dans les Abarth traditionnelles, retransmettant ainsi toute l'instrumentation. Le volant reste inchangé, malheureusement cela dit, il s'agit à nos yeux du seul "point noir" si nous pouvons l'appeler ainsi. On aurait aimé, par exemple, un cerclage de la jante du volant tout en Alcantara pour une meilleure prise en main.
La route ou la piste ?
La piste. Pourtant avec son petit bloc 1,4 litre T-Jet qui est apparu pour la première fois sur l'Abarth Punto est loin d'être LE moteur adéquat pour manger du bitume. Développant 10 chevaux de plus qu'une version Competizione, le quatre cylindres turbo est un régal à emmener très haut dans les tours. Creux sous les 2000 tr/min, il se montre rageur au-delà grâce notamment au Turbo Garrett GT 1446 qui équipe l’Abarth 500 R3T (homologuée pour le rallye) : il souffle fort, très fort, et permet de propulser les 997 kilos de l’Abarth 695 biposto à 100 km/h en seulement 5,9 secondes.
Ça gronde, ça pousse fort, et tout ça se gère via une boîte mécanique absolument inédite sur une voiture de série. Disponible en option à 10'000 € (l'option la plus indispensable, soyons clairs), la boîte à crabots fournie par Bacci Romano, est dépourvue de synchronisation et est accouplée à un autobloquant mécanique. La grille en H est inversée, mais le sens logique du maniement du levier reste inchangé. Le changement de rapport est rapide comme l'éclair, chaque claquement métallique du levier au grillage est absolument jouissif, c'est un pur bonheur à manier, on se croirait tout bonnement à manier le levier d'une Ferrari 599.
Jamais vous n'aurez de telles sensations au sein d'une voiture de série, seules les voitures de course pourront vous procurer des sensations comparables
Il ne faut pas oublier cependant à rapidement double débrayer quand nous ne sommes par au régime adapté, car la boîte ne verrouillera tout simplement pas. À ce propos, le verrouillage est absolument parfait, le guidage exquis, et forcément les rapports s'enchaînent à toute vitesse, même parfois sans avoir besoin de débrayer en passant la vitesse en full charge. Mention spéciale également au pédalier, idéal pour s'adonner à l'exercice du talon pointe.
Première enclenchée, kickdown, et la voiture part comme une balle, du moins c'est notre ressenti à l'intérieur. En effet, même à basse vitesse, les sensations sont extrêmement bonnes, la voiture est collée au bitume, la mini supercar se place à la perfection dans chaque virage, et les bruits de roulement et les crissements des pneumatiques à chaque appui vont de pair avec le magnifique concerto offert par la ligne Akrapovič. Comme si cela ne suffisait pas, Abarth a également intégré un bouton "Sport", permettant de durcir la direction, qui manquait à notre goût d'un peu de consistance au niveau du point milieu, d'améliorer encore la sonorité de l'échappement avec un son distillé encore plus rauque, ou encore d'obtenir un moteur encore plus rageur haut dans les tours.


Côté freinage, c'est très bien dimensionné avec des étriers quatre pistons qui assurent endurance et efficacité. De plus, la pédale du milieu permet d'effectuer un dosage au millimètre de son freinage, idéal en entrée de courbe pour parvenir à réaliser un freinage dégressif absolument parfait. Deux bémols à notre goût néanmoins : les warning, absolument insupportables en s'activant à chaque freinage plus ou moins appuyé, ou encore l'ESP qui n'est pas déconnectable en raison du TTC (Torque Transfer Control) imposé et incompatible avec cette démarche.
Conclusion
À partir de 40'500 €, pas sûr que vous ayez autant de sensations qu'avec notre modèle facturé toute option à 68'500 €. Les différentes options rendant la voiture toujours plus extrêmes s'avéreront être un véritable calvaire sur routes conventionnelles, mais absolument indispensables pour un usage purement dédié à la piste. Mais alors, à qui s'adresse cette auto ? Aux passionnés de la marque et aux aficionados de track day dominicaux tout simplement.
Concrètement, et sans sacquitter des quasi 70'000 € réclamés pour s'offrir cette petite supercar, nous pensons que la seule option à cocher de toute urgence restera la boîte à crabots. Redoutable d'efficacité, maniable après quelques minutes de prise en main au préalable, elle transfigure l'auto. Un paradoxe quand on sait que le défaut principal des Abarth était leurs boîtes de vitesses.
Photos & Vidéo : Yann Lethuillier / Motor1.com - French Driver
Points positifs | Points négatifs |
Look dévastateur et unique | ESP non déconnectable |
Boîte à crabots | Warning omniprésents |
Sensations à bord | Tarifs très élevés |
Galerie: Essai Abarth 695 biposto
Abarth 695 biposto 1,4 litres Turbo T-Jet 190 chevaux