Votre voiture a parcouru 30 kilomètres depuis que vous l'avez achetée et elle est tombé en panne ? Un passage chez le garagiste s'est mal terminé ? Et malgré tout le temps passé à discuter à l’amiable, la situation s’envenime et une action en justice est décidée par une des parties ?
Christophe Huchet est Expert Judiciaire automobile auprès de la Cour d’Appel de Rennes. Son métier : fournir au juge une explication technique du litige dans sa globalité. Par exemple entre un particulier et un garage ou entre deux particuliers... Les cas de figure sont nombreux. Il peut être missionné par l’ensemble des tribunaux nationaux et son rapport constitue une base de travail des avocats et des magistrats.
L’expertise du véhicule sert à déterminer son état général, son utilisation, son kilométrage, juger de la qualité des travaux effectués, et tout ce qui peut jouer sur l'état actuel de la voiture. Pour mener à bien ces travaux, il y a quelques étapes préliminaires.
"Une fois la mission acceptée et que les fonds sont consignés au tribunal, le travail commence par retrouver l'historique de la voiture. Collecter le plus d'informations sur le véhicule et essayer de comprendre les défauts et problèmes rencontrés par cette voiture. Il y a des maladies connues, sur certains moteurs. Dans ce genre de cas, on peut avoir une base de travail. Mais ce n'est pas toujours aussi facile."
"Il y a aussi des problèmes plus 'uniques'. La seconde phase du travail permet d'en apprendre plus, c’est l’expertise physique, qui consiste à convoquer toutes les parties sur un site d’expertise, généralement chez le représentant local de la marque du véhicule concerné."
"La réunion d’expertise se déroule en deux temps : d’abord une première réunion, où sont présents les parties et leurs conseils (avocats, experts, assureurs, …), au cours de laquelle l'expert écoute chacun, pose des questions sur l'utilisation, les raisons de l'achat et de la vente, l'état du véhicule, son entretien, etc. Une fois la réunion effectuée, et que toutes les parties se sont exprimées, on passe à la seconde étape, l’expertise physique du véhicule en présence de l’ensemble des parties. C'est là qu'on met véritablement 'les mains dans le cambouis '. "
"Le véhicule est généralement dans l'état dans lequel il a été laissé dans le garage s'il a été démonté par exemple. Il est parfois surprenant de voir comment ont été conduits et réalisés les travaux qui ont mené à l’expertise. Des chapeaux de bielle non repérés, des ECU scellés ouverts. Le niveau ne dépend pas de la marque concernée. On retrouve aussi des véhicules roulants."
"Une fois dans l’atelier, on se retrouve souvent face à de la mécanique complexe, il faut donc expliquer pourquoi on s'attarde sur telle ou telle pièce, alors que la panne est ailleurs. Mais aussi, déterminer l’origine et les raisons de la panne, pourquoi un piston se fend en deux ? Pourquoi le turbo a avalé ses ailettes ? Pourquoi, pourquoi... La liste est longue, et change à chaque expertise."
Aujourd'hui, Christophe Huchet est expert judiciaire, "une suite logique" de son parcours. "J'ai un parcours plutôt atypique, j'ai une formation de mécanicien, puis je suis devenu mécanicien de compétition sur des épreuves de championnat de France, d'Europe et du monde, sur deux et quatre roues. Ensuite, je me suis rapproché de la vente, puis je suis devenu concessionnaire. Après quelques années, j'ai revendu mes affaires puis je suis devenu consultant et formateur pour les constructeurs automobiles."
Refermons cette parenthèse chronologique, et retour à l'expertise. "Une fois les photos prises (une cinquantaine de clichés seront introduits dans le rapport final), il faut ensuite analyser les pièces fautives : turbos, ECU, culasses, pistons, bielles... Les problèmes à résoudre tournent souvent autour du moteur et de l'électronique, mais pas que. Les problèmes ont tous une solution. Il est souvent demandé par les juges de proposer des solutions de réparation."
Quid du rapport ?
Le rapport, c'est tout ce qui compte en fin de compte non ? "C'est exactement ça, mon rapport est une base de travail pour le juge. Si dans mon rapport, j'indique que la voiture a été mal utilisée par le propriétaire ou qu'elle a été mal réparée par le garage, l’appréciation par le juge est différente. Un rapport prend entre 20 et plusieurs centaines d’heures. Parfois la solution est évidente dès l’expertise, certaine fois, il faut plusieurs heures voire même jours de réflexion. Chaque cas est unique, de par la technique mais également le contexte du problème rencontré.”
Puis il ajoute : "En plus de toutes les heures de réflexion pour comprendre la panne, la visualiser et comprendre la raison de son apparition, il faut l'expliquer à des 'profanes' de la mécanique. C'est une gymnastique de l'esprit.”
"Ensuite, on en vient à l'analyse et expliquer le pourquoi du comment. Si le problème est en fait une cascade de problèmes, il faut l'expliquer. Chaque pièce défectueuse qui concerne notre problème doit être commentée et sa fonction expliquée, qu’est ce qui la rend impropre à sa fonction ? Quelles sont les conséquences de son dysfonctionnement ?... Le rapport droit être le plus complet possible, car c’est sur sa valeur que l’affaire se solutionnera ou ira en procédure sur le fond."
"En conclusion du rapport l'expert dois donner son avis sur la faisabilité d'une réparation, mais aussi sur la manière et une estimation du coût de cette dernière. Aujourd'hui, les réparateurs ont la fâcheuse habitude à remplacer sur le principe de l’essai erreur, soit parce qu'ils ne savent pas réparer soit parce que ça fait vendre de la pièce. Pour réduire le coût des réparations, il faut trouver des solutions plus économiques, en utilisant des pièces d'occasion par exemple".
L'expert conclut : "C'est un métier passionnant, qui demande beaucoup de temps exige de l’expérience et de solides bases techniques. Malgré 40 ans passés dans le monde de l'automobile, je continue d'en apprendre tous les jours."