La Chine a pris un sérieux avantage sur la concurrence européenne et mondiale dans le domaine de la voiture électrique. Toutefois, Luca de Meo, PDG du groupe Renault, estime que la firme française peut se démarquer et mettre en avant ses atouts.
Bien sûr, explique De Meo, les obstacles sont nombreux, surtout si l'on confronte l'économie chinoise à celle du Vieux Continent. Mais dans un entretien avec la presse au Salon de Munich, l'Italien à la tête de la marque au Losange se veut optimiste.
"Les constructeurs européens sont des entreprises hyper-organisées. Ne pensez pas que les Chinois ont six yeux et huit mains : ils sont bons, mais nous avons nos propres arguments. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de cette industrie à réagir et à trouver des solutions."
Qu'a fait la Chine pour acquérir cet avantage ?
"À part Tesla, qui est un cas à part grâce au soutien des marchés financiers, la compétitivité des entreprises chinoises vient d'une stratégie industrielle à long terme qui a probablement commencé il y a 15 ans, lorsqu'ils ont eu tout le système derrière eux, à tous les niveaux, et qu'ils l'ont tout examiné, depuis l'approvisionnement en matières premières jusqu'aux chaînes de production."
Preuve de cette montée en puissance des marques chinoises sur le marché des véhicules électriques, 40% des constructeurs qui sont présents au Salon de Munich viennent de Chine. C'est deux fois plus que lors de la dernière édition. Autrefois boudées par le marché européen, car réputées dangereuses, les marques chinoises misent aujourd’hui sur la sécurité de leurs véhicules. C'est en effet ce qu'a affirmé Jean Briac Dalibard, porte-parole de BYD en France, au micro de RTL.
"Nous sommes vraiment sur du standard européen avec les meilleures notes en termes de sécurité et toutes les aides à la conduite possible et imaginable […] ont est vraiment sur un produit bien fini et accessible."
Un fossé à combler
En Europe, "nous avons donc le temps, un peu de temps, pour réagir et faire exactement la même chose, parce que ce n'est pas de la science-fiction. Il s'agit de se repositionner", ajoute De Meo. Il est clair que l'industrie automobile ne peut pas tout faire toute seule.

Renault Scenic E-Tech Electric
Interrogé par RTL, le PDG de Renault rappelait hier que "Pékin a une génération d'avance sur les voitures électriques, sur les batteries, en somme sur toute la chaine."
"Il y a des implications géopolitiques, par exemple au niveau des ressources minérales en Afrique. La possibilité pour les pays européens de bénéficier d'un traitement préférentiel serait très stratégique. Par ailleurs, les Chinois contrôlent la chimie, alors que nous n'avons plus de chimie en Europe et que nous n'en voulons plus. C'est eux qui font les affaires".
La Chine a également créé "une demande intérieure", rappelle De Meo. "je pense que le marché des voitures électriques est de 6-7-8 millions, soit environ 25-30% du total. En Europe, nous en sommes à 1 million. Je ne sais pas quelle est la capacité de production de batteries en Chine, mais elle doit déjà être de l'ordre de 300 à 400 gigawatts."
L'Europe handicapée
Pour combler l'écart, "il faut du temps et beaucoup d'investissements. Mais il faut dire que l'Europe a tendance à ne pas utiliser de subventions pour financer des projets industriels ou de production, alors qu'ici, nous investissons dans l'innovation. C'est un handicap majeur".

Renault Scenic E-Tech Electric au salon de Munich 2023
"En aval, il y a la question des infrastructures : en Europe, il y a un manque total de coordination. Chacun suit sa propre voie, alors qu'il y a un besoin d'orientation. D'après nos calculs, la vitesse d'installation des chaînes de production devrait être multipliée par 7 pour répondre à la vitesse à laquelle nous introduisons les produits sur le marché."
Le dernier obstacle, selon De Meo, avant de conclure en invitant à ne pas exagérer dans le pessimisme, est qu'"en Europe, nous payons l'énergie deux fois plus cher que les Chinois et 3-4 fois plus que les Américains. Pour fabriquer une voiture électrique, surtout en ce qui concerne les batteries, il faut beaucoup d'énergie : pour produire un véhicule électrique, il en faut autant que pour en faire rouler cinq pendant un an".