13. Ce qui pour la plupart de l’humanité apparaît comme un chiffre annonciateur de malheur, chez Aston Martin, il porte visiblement bonheur. 13 ans, c’est en effet le temps que sera restée la DB9 au catalogue. Mais bien qu’ayant évolué 3 fois au cours de sa longue carrière, cette superbe GT appartenait à l’ancienne génération. Celle de la plateforme VH, un châssis commun à toutes les Aston depuis 2001 et la Vanquish. La DB9 vient donc d’être remplacée, après 13 années de bons et loyaux services par le nouveau joyau de la couronne : la DB11.

Essai Aston Martin DB11

Présentée en mars 2016 au salon de Genève, la DB11 n’a pas tout de suite fait l’unanimité. Il faut dire que pour une marque comme Aston Martin, moderniser son image, notamment en bousculant le style, relève du blasphème. Les lignes, le profil d’une Aston Martin, c’est sacré. Son design devrait être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais Marek Reichman, nouvel homme fort du style de la firme de Gaydon, a réussi le tour de force de faire de cette DB11 une véritable sculpture. Ancrée dans l’ère moderne, avec ce que ça comporte d’agressivité apparente et de solutions techniques sous-jacentes (aérodynamique de pointe, V12 biturbo, électronique dernier cri), tout en continuant à faire tourner les têtes de tous ceux qui la croisent (et l’entendent !), on dirait que cette DB11 a sauté une génération. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas pour rien si la DB10 restera dans les archives cinématographiques, alors que cette DB11 marquera une étape dans les livres d’histoire de la firme anglaise.

Première représentante d’une longue lignée de nouveaux modèles à venir chez le constructeur anglais (une nouveauté tous les 9 mois), dont un SUV ("shocking !"), nous avons eu le privilège de nous mettre au volant de l’un des tous premiers exemplaires de cette DB11 à avoir traversé la Manche. Et autant être honnête dès le départ : qu’il aura été difficile de la rendre !

Essai Aston Martin DB11 2017
Essai Aston Martin DB11

Une plastique à faire pâlir bien des italiennes

Est ce un signe du destin ? L’annonce d’un coup de foudre à venir ? La première DB11 qu’il m’ait été donné de voir en "liberté" est passée sur un filet de gaz juste devant moi, alors que je me rendais chez Aston Martin pour prendre possession de notre DB11 de l’essai. J’ait tout de suite compris que les photos, aussi travaillées soient elles, ne sont pas à la hauteur de son élégance naturelle. Par où commencer ? Son regard hypnotisant ? Sa ligne parfaite ? Une chose est sûre, c’est que l’on peut passer des heures à regarder cette DB11 sans jamais se lasser, à découvrir tous les détails qui font sa personnalité, et qui annoncent le style des futures Aston.

Des feux en amande qui remontent sur les ailes, une grille de calandre plus large que jamais comme une grande gueule prête à avaler les kilomètres, un long capot bombé et griffé pour laisser respirer la mécanique, cette DB11 réinterprète les codes de la marque avec splendeur. Et sans sacrifier l’élégance sur l’autel de l’agressivité. Pour le profil, grâce et sportivité s’allient à la perfection avec cette ceinture de caisse qui donne l’impression de se rétrécir au centre pour donner du muscle au niveau des ailes arrière. Le pavillon "fastback" apporte de la légèreté à l’ensemble, déjà avec ces arches reprises du concept DBX qui semblent flotter, et cette ligne de toit qui fuit vers l’arrière. Les chefs d’œuvres s’apprécient parfois à la simplicité de leur coup de crayon. On dirait qu’il n’y en a pas plus de deux sur cette DB11.

Essai Aston Martin DB11

Mais sous cette apparente simplicité se cache un aérodynamisme à la pointe, parfaitement intégré à la voiture. A commencer par ces arches de roues avant qui font circuler les flux d’air et les redirigent vers les côtés. Des ouïes latérales que l’on ne croirait qu’esthétiques, mais qui diminuent la portance. Et puis il y a le système AeroBlade à l’arrière. Avez-vous remarqué que la poupe n’a plus de "queue de canard" comme les Aston Martin de ces deux dernières décennies ? Normal, elle est invisible… Virtuelle ! Explication : l’air s’engouffre au niveau de la custode à l’intérieur même de la carrosserie pour ressortir par une fente dans la malle arrière. Résultat : ça plaque l’arrière au sol, et ça évite d’altérer la ligne !

Derniers petits détails, notre version d’essai de l’Aston Martin DB11 est une "Launch Edition", une édition de lancement de la voiture, qui adopte à peu près tout ce que la catalogue de la marque compte d’options. A l’extérieur, on notera les badges V12 sur les ailes avant, les jantes de 20 pouces, la teinte Mariana Blue de la carrosserie, les ailettes sur le capot ou encore un pack extérieur teinté de noir (calandre, arches de toit…).

Essai Aston Martin DB11 2017
Essai Aston Martin DB11 2017
Essai Aston Martin DB11 2017

Grand Tourisme Luxe

L’heure est venue de découvrir l’intérieur, et voir si cette DB11 fait là encore oublier la génération précédente. Si la portière s’ouvre toujours avec cette poignée intégrée qu’il faut pousser pour faire sortir de la carrosserie, élégante à défaut d’être pratique, l’écrin qui accueille le conducteur et son passager est à la hauteur de la beauté de la ligne extérieure. Si l’on parle d’écrin, c’est qu’avant d’être une sportive, la DB11 est une GT. Tout ici n’est que cuir pleine fleur, des sièges à la finition impeccable et aux multiples surpiqûres au ciel de toit, en passant par la planche de bord, jusqu’à la plage arrière, tous les sens sont flattés. Le travail des artisans de Gaydon se ressent. Un bond en avant par rapport à la DB9 !

Essai Aston Martin DB11
Essai Aston Martin DB11

Mais l’Aston Martin DB11 est surtout le tout premier modèle de la marque à bénéficier de l’apport de Daimler (qui détient 5% d’Aston). Plus précisément de Mercedes. Pour ceux qui sont familiers de la marque allemande, la console centrale de la DB11 leur rappellera quelque chose. Tous les boutons (caméra 360°, climatisation…) sont tactiles, tandis que l’on retrouve un écran de 8 pouces sur le haut de la planche de bord, gainé lui aussi de cuir. Et pour le contrôler, on retrouve la molette et le pavé tactile led la firme à l’Etoile. Très complet et offrant tout ce qui se fait de plus moderne, ce système Mercedes n’est en revanche pas le plus intuitif sur le marché. Sous l’accoudoir central électrique, très "jamesbondesque", pas de boutons pour le siège éjectable, mais des ports USB !

Et puis face au conducteur il y a ce deuxième écran de 12 pouces qui remplace les compteurs. Trois parties entièrement digitales avec le compteur au centre qui n’est plus inversé comme avant, mais à défaut change de couleur selon le mode de conduite, et une partie paramétrable sur la droite qui permet d’afficher la navigation, les infos de consommation, la radio… Le tout étant contrôlable du volant. Un petit mot enfin sur l’habitabilité, même si c’est un peu secondaire sur ce genre de voiture. Avec son empattement rallongé, la DB11 est un peu plus logeable que la DB9. En tout cas aux places avant, car même si l’on parle d’une 2+2, les places arrière sont plus aptes à mettre des sacs que des passagers.

Essai Aston Martin DB11

La mélodie du bonheur

Seule chose ou presque qui ne change pas à l’intérieur, c’est cette rangée de boutons, au centre de la planche de bord, au milieu de laquelle on trouve le graal, le bouton "Engine start", transparent, pour réveiller le V12. Et que ceux qui pensaient que le downsizing et la présence des deux turbos donneraient à cette Aston Martin DB11 une voix de fausset se se détrompent... Quel chant ! Alors c'est sûr que le V12 6.0L atmo de la Vanquish a une tonalité plus dramatique, mais on ne boude pas son plaisir à appuyer sur la pédale de droite pour faire partager à tout le monde cette mélodie du bonheur ! Et ce qui frappe tout de suite, c'est la souplesse du V12, sa facilité à être mené même en ville, sans à-coups, avec une boîte ZF à 8 rapports qui se plie parfaitement à l'exercice, tout comme la nouvelle direction électrique. Une Aston Martin polyvalente ? Utilisable au quotidien ? Oui, c'est maintenant possible avec la DB11 !

Ah oui, parce qu'il faut aussi rappeler que la superbe GT anglaise se dote également d'un système de désactivation des cylindres, qui permet de rouler sur un banc de six cylindres quand on n'a pas besoin de toute la puissance, de passer sur le second banc de 6 cylindres dès que ça chauffe un peu, et repasser sur 12 cylindres dès qu'on veut faire hennir les 608 chevaux. Et tout ça de manière imperceptible. Sauf peut-être à la pompe puisqu'elle n'annonce que 12,8 litres aux 100 km.

Mais cette DB11 sait aussi nous rappeler qu'elle fait partie des GT sportives avec des roues arrière qui patinent légèrement dès qu'on appuie franchement. L'électronique veille au grain, rien de bien grave. Le châssis quant à lui, tout nouveau, en aluminium, plus léger, plus rigide, associé à des suspensions pilotées Bilstein que l'on règle du volant offre à cette DB11 un caractère sportif qui manquait à la DB9. On sent qu'il y a du potentiel. Et ce dès le mode "GT", le premier des 3 modes de conduite. Le plus docile. Parce qu'après, on passe en mode "Sport". Plus de fermeté dans les suspensions, dans la direction, un vecteur de couple actif qui modifie les réglages pour plus d'agilité, la DB11 gagne en caractère. Sans se transfigurer. Pas encore.

Parce qu'arrive enfin le mode "Sport+"... qui lui devient presque violent ! Déjà au son, avec les clapets actifs des échappements qui s'ouvrent. Ensuite en caractère puisque la DB11 se mue en vraie sportive, féroce, autorisant des passages en courbes plus précis, plus rapides, enroulant chaque virage comme rarement les Aston ont su le faire... Train avant et train arrière sont incisifs, les 608 ch sont tous présents. On en oublierait presque qu'on est dans une GT luxueuse. Et son poids de près de 1,8 tonne. Et attention aux excès de confiance ! Jamais piégeuse, elle vous fait quand même sauter le paysage à la figure ! Quel bonheur, cette Aston Martin DB11 sait tout faire !

 

Essai Aston Martin DB11

Conclusion

On pourrait parler de cette Aston Martin DB11 pendant des heures tant le plaisir qu'elle procure, que ce soit à la regarder comme à la conduire, est immense. Mais il faut bien conclure et évoquer le sujet qui fâche : celui de ne pas être assez riche pour pouvoir se l'offrir ! Car si la DB11 fait évidemment partie des voitures les plus exclusives et luxueuses, son prix est loin d'être injustifié pour les prestations qu'elle propose ! On parle quand même de 223'940 euros pour cette DB11 Launch Edition. De base. Et notre modèle d'essai grimpe même à 253'353 € avec ses nombreuses options : la couleur Mariana Blue à 1735 €, le pack extérieur teinté de noir à près de 3000 €, les jantes de 10 pouces au dessin et à la teinte spécifique pour 3605 €, le ciel de toit à l'intérieur qui reprend le motif des sièges pour 2157 €, le parapluie intégré dans le coffre pour 280 € (!)... La liste est longue, et fait vite grimper la facture.

Alors oui, il y a bien quelques détails qui fâchent, comme cette lumière de plafonnier qui s'allume toute seule (qui a dit "une voiture anglaise" ?), comme ces passages de roues avant creusés pour des raisons aérodynamiques qui ramassent toute la poussière et la boue sous le capot, comme cette planche de bord trop Mercedes aux boutons tactiles pas toujours réactifs, ou ces places arrière symboliques... Mais quand on achète une Aston Martin DB11, c'est en 3ème ou 4ème voiture. Voire plus. Pour se faire plaisir. Pour rester ébahi à chaque fois qu'on ouvre la porte du garage. Pour faire un détour de 2 heures le dimanche matin en "allant chercher le pain". Soit disant. Pour trouver un nouveau prétexte de ne plus prendre l'avion pour partir en voyage. Pour s'offrir un bout de l'un des plus grands mythes automobiles. Alors autant y mettre le prix. Et cette Aston Martin DB11 le mérite plus que quiconque.

Photos : Mael Pilven / Yann Lethuillier / Motor1.com

 

 

 

Points forts Points faibles

Le design à couper le souffle

 Planche de bord trop "Mercedes"
Caractère du V12  Le prix, même s'il est justifié
Chant du V12   

Galerie: Essai Aston Martin DB11 2017

Aston Martin DB11

Motorisation Essence, V12 biturbo, 5204 cm3
Puissance 608 chevaux à 6500 tr/min / 700 Nm à 1500 tr/min
Type de transmission Boîte automatique ZF à 8 rapports
Transmission Propulsion
0-100 km/h 3,9 secondes
Vitesse de pointe 322 km/h
Poids 1770 kilos
Volume de coffre 270 litres
Places 2 + 2
Economie de carburant Mixte : 12,8 l/100
En vente Octobre 2016
Prix de base 223'940€
Prix de la version testée 252'353€