Qui est le grand gagnant des sanctions sur le marché automobile russe ? La situation que nous connaissions jusqu'à récemment a commencé à changer depuis que la Russie a envahi l'Ukraine, en février 2022.
Depuis lors, nous avons vu comment les gouvernements des pays occidentaux (principalement l'Amérique du Nord, l'Europe, le Japon, la Corée et l'Australie) ont adopté une réponse ferme à cette guerre, en appliquant une série de sanctions pour "étrangler" l'économie de la Russie.
D'un autre côté, des nations continuent de traiter avec le plus grand pays du monde. La Chine, par exemple, profite aujourd'hui largement de la situation. Son industrie automobile en témoigne.
L'effondrement
Lorsque les constructeurs automobiles occidentaux ont cessé de produire et de vendre des voitures en Russie, le marché s'est effondré. L'année précédant l'invasion, les ventes mensuelles moyennes de voitures neuves en Russie s'élevaient à 127 000 unités. La demande se remettait de la pandémie et était inférieure de 8 500 unités à la moyenne enregistrée en 2019, avant le Covid.
Depuis les jours où les forces armées russes sont entrées sur le territoire ukrainien et où les sanctions de l'Europe et des États-Unis ont commencé à prendre forme, les importations ont largement baissé. En mars 2022, les ventes ont chuté de 65% par rapport à mars 2021.

L'effondrement s'est poursuivi avec des baisses à deux chiffres jusqu'en février 2023, lorsque la moyenne mensuelle des ventes de voitures neuves entre mars 2022 et février 2023 est tombée à seulement 40 000 unités. Cela correspond à peu près au nombre de véhicules immatriculés chaque mois en Pologne.
À titre de comparaison, en 2019, le marché russe des voitures de tourisme était le dixième au monde, avec 1,69 million d'unités. Les ventes polonaises ont totalisé 557 000 unités, se classant ainsi au 20e rang.
Cette année, jusqu'en juillet, les ventes de voitures de tourisme en Russie ont totalisé près de 364 000 unités, contre 275 000 en Pologne. Le ratio est passé de 3 voitures neuves en Russie pour chaque voiture neuve vendue en Pologne en 2019, à 1,3 en 2023.

De 0 à 50% en moins de 5 ans
L'effondrement du marché automobile russe ne s'explique pas seulement par le retrait des marques occidentales (qui constituaient trois-quarts des voitures neuves vendues en 2019), mais aussi par le manque de composants pour construire des produits localement (Lada, UAZ) et le manque de confiance des consommateurs.
Cependant, il y a toujours un gagnant dans chaque crise et, dans ce cas, il est assez évident que la Chine et ses voitures profitent le plus de la nouvelle réalité du marché automobile russe. Leur présence était déjà évidente bien avant le début de la guerre, avec un succès modéré, compte tenu des fortes ventes de Hyundai-Kia, de Renault avec Lada, de Toyota et du groupe Volkswagen.

En 2019 (nous utilisons cette année comme référence car elle précède la pandémie et la pénurie de semi-conducteurs), les constructeurs chinois détenaient une part de marché de 2,45% dans les ventes de voitures en Russie. Cette part est passée à 3,85% en 2020 et à 7,47% en 2021, lorsqu'ils ont vendu plus de 100 000 voitures. La croissance rapide s'est accélérée après l'invasion, passant de 9% en mars 2022 à 20% en mai 2022, puis à 33% en décembre 2022.
Cette année, selon les données de l'AEB (Association of European Business), la part des marques automobiles chinoises est passée de 44% en janvier à 52% en juin, avec un pic de 58% en mai. En moins de cinq ans, les constructeurs chinois sont passés d'un rôle mineur à une position dominante, parfois même devant le constructeur local Lada.
Quoi qu'il en soit, la situation de l'industrie automobile russe est plutôt dramatique. Le vide laissé par les marques occidentales est clairement comblé par les voitures chinoises sur un marché qui représente aujourd'hui 40% de ce qu'il était avant la pandémie. Si la Chine sourit, l'industrie dans son ensemble et ses consommateurs sont clairement perdants.
L'auteur de l'article, Felipe Munoz, est spécialiste de l'industrie automobile chez JATO Dynamics.