Une Mustang, la nuit, un peu de pluie. Le bitume qui défile, le V8 qui ronronne en fond de quatre. La scène peut vous paraître familière. Celle d'Un homme et une femme. Pas de Chabada ici, juste le plein de sensations. Celle d'une voiture à la direction lourde, d'un châssis d'un autre âge et d'une automobile qui ne vieillit pas. Franck Huard, son propriétaire, au moment de confier sa Pony Car a donné une seule consigne : "Faites-vous plaisir avec."


Lors des premiers tours de roue, le plaisir n'a été que pour les yeux. Au volant d'une telle auto, il faut réapprendre à conduire, anticiper avec les freins, réfléchir à une trajectoire plus simple, pour ne pas trop travailler avec le volant. Oui, la direction est lourde, et la position de conduite pas forcément celle que l'on connaît aujourd'hui dans nos carrosses modernes.
Une conduite un peu pataude, loin de cette ligne impressionnante. Le long capot, les arrêtes marquées de la voiture la rendent très agressive. Les touches de chromes sont présentes dans les encadrements de carrosserie, sur les marquages de lignes, et également ces magnifiques pare-chocs. "C'est une Mustang de 1967, avec un dessin qui a évolué. On a choisi cette voiture pour cela", explique Franck. "C'est ce que les Américains reprochaient à la première Mustang, très plane. Là, on a une voiture plus agressive, sans pour autant entrer dans le bodybuilding."

"C'est l'Amérique"
Franck tend alors les clefs. Trois sésames pour entrer dans cette machine à la ligne aguichante. L'une pour les portes, l'une pour le contact, et la dernière pour le coffre. Inutile de vous dire que si vous oubliez votre trousseau dans le coffre, vous êtes bien embêtés. Pensez-y si, un jour, vous avez la chance de conduire une telle machine : ne mettez pas votre veste dans le coffre, surtout si elle contient vos papiers et vos clefs ! Sans en arriver-là, l'accès à l'habitacle est plus qu'aisé, avec les grandes portes.

L'intérieur, lui reste très proche de celui de la première Mustang, avec sa double casquette. Un intérieur spacieux, où cinq grandes personnes peuvent se balader quelques centaines de kilomètres sans grande fatigue. Une chose surprend cependant, l'absence de ceintures. Rappelez-vous, nous sommes en 1967, la sécurité, active comme passive n'est pas encore au rendez-vous.
Le volant est très avancé dans l'habitacle, et si l'on est parfaitement assis dans la grande banquette de cuir, il faut bien se dire que l'énorme volant, sans direction assistée, à la jante si fine, demande à être tenu fermement, même si l'on a les bras pliés. Le point milieu, lui, n'est pas simple à trouver. "C'est une direction à bille", explique Franck. "C'est souple au milieu." On se prend donc à conduire comme dans les films à l'ancienne, à faire d'important mouvement de volant pour corriger les trajectoires.


L'embrayage, lui, demande à être enfoncé fermement. Les freins à disque demandent quant à eux de la souplesse. S'ils ne sont pas les plus puissants du monde, "qui ralentissent plus qu'ils ne freinent", prévenait Franck, ils peuvent facilement se bloquer sur route grasse. L'accélérateur, enfin, ouvre la porte à un paradis de couple et de puissance, dans une grave symphonie à huit cylindres, mais là n'est pas encore la question.
La planche de bord est à son plus simple appareil. On y retrouve plusieurs manomètres : celui de vitesse, en miles, la jauge à essence, la pression d'huile, la température moteur, l'ampèremètre, et cela suffit. Un contacteur permet d'activer les essuie-glaces, de même qu'une petite pédale, à gauche du pédalier. Pour les feux, une petite tirette sur la gauche du volant permet de les activer, de même qu'un bouton, derrière la pédale d'essuie-glace, pour les codes.


Les clignotants également s'activent par un petit comodo en chrome, sur la gauche du volant. Celui de droite active le klaxon. Quant au frein, c'est comme dans une R4 (pardonnez cette comparaison malheureuse), sur la gauche, via une petite tirette. "Il faut godiller un peu pour bien le désenclencher", s'amuse Franck. Non, une auto ancienne n'est jamais parfaite, cela en fait son charme.
La capote en est un autre exemple. La refixer demande une petite manœuvre. En soi, son mécanisme est très simple : deux crochets à ouvrir, et un geste d'accompagnement pour la replacer dans son compartiment. De même pour la remettre. En vingt secondes, la voiture est couverte ou découverte. Au moment de la remettre, il faut cependant bien la refixer dans les crochets. Détail qui demande un peu de force. Un bon coup de main et cela est fait. N'attendez cependant pas à ce que la voiture soit totalement étanche, en roulant, à bord, il y aura des courants d'air, soyez-en sûr !


Stupeur et tremblements
Rouler. C'est là la vraie quintessence de cette auto, être en mouvement. Animée, "non pas par des chevaux de course, mais de labour", la Mustang se veut un véritable paquebot sur les nationales. Sous le capot, on retrouve un vrai V8. Ouvert à 90°, il offre une cylindrée exceptionnelle de 4,7 litres ! Il s'agit de la 289 (cubic inches), avec son carburateur quadricorps, d'une puissance de 230 chevaux.

Au démarrage, il offre un frison, luxe absolu des propriétaires de Mustang. Les sens s'éveillent. Un son sourd, comme un glougloutement grave, qui s'accompagne de volutes d'essence qui enivrent les alentours de l'auto, puis ces vibrations qui viennent emplir l'habitacle.
Il faut manier un peu du levier de vitesse pour que la première passe, l'embrayage bien enfoncé, se relève, puis la mécanique se met en branle. Le V8 gronde, la voiture s'élance, sans à coup. Tout de suite, l'on se prend au jeu, on veut enfoncer cette pédale d'accélérateur, faire chanter ce moteur qui ne demande qu'à montrer sa belle voix. Avant cela, pourtant, il faut passer les virages.

On anticipe le premier freinage, on profite du frein moteur, et on entame son combat avec le volant. Du fait de ses roues larges, il faut bien utiliser ses bras, et surtout, placer intelligemment ses mains sur le volant. Comme à l'auto-école, on place sa main qui sera à la corde du virage en haut du cerceau, et on entame sa manœuvre. Il faut forcer, mais cela se fait sans soucis. Avec un peu d'habitude, tout revient d'instinct. Et dans la ligne droite qui suit, on enfonce de nouveau la pédale, et la voiture suit, dans sa mélodie enivrante.
La route redevient un plaisir. Tout n'étant pas parfait, pas besoin de foncer. Il suffit d'enchaîner les courbes, pour s'amuser. Même le gabarit est facile à prendre en main : le long capot se voit depuis le poste de conduite, et l'arrière n'est pas immense.





Le confort est un peu spartiate, il est vrai, comparé à nos standards modernes. Si le son du V8 n'est pas trop envahissant, le bruissement des bruits d'air vient nous rappeler l'âge de cette voiture. Cependant, bien calés dans les banquettes avant comme arrière, bien couverts par un pull et un bonnet, cela ne parait que du menu détail, quand le luxe de s'offrir un coucher de soleil sur une petite route de campagne, à ciel ouvert et un bon Flamin Groovies ou d'accélérer à fond quand vous passez dans un tunnel, d'entendre ce bruit unique, vous est offert.
Et si la Mustang n'est pas forcément une sportive pure et dure, elle se permet quelques belles performances. En pointe de vitesse, elle flirte sans problèmes avec les 200 km/h. À cette vitesse, une sensation étrange se fait ressentir : "On a l'impression que l'avant décolle", précise Franck. "C'est plus léger car l'arrière pousse tellement que l'avant se déleste." Déjà, à 130 km/h, on ressent cette sensation, dans le vacarme du vent qui file autour de la voiture. Et là encore, le tout n'est pas d'aller vite, mais de s'arrêter.
Parfaite imperfection
Bien sûr, les suspensions sont souples, et le pont arrière, rigide, vient vous rappeler l'archaïsme de la conception. De même, il n'y a pas de filets anti-remous. En décapotable, mieux vaut ne pas avoir été chez le coiffeur auparavant ! Toutefois, comme l'explique Franck, c'est comme cela une voiture ancienne, "elles ont plein de défauts, mais c'est pour cela qu'on roule avec".

De même, sous la pluie, il faut se méfier, de nuit également. Le couple phénoménal rend la voiture piégeuse en sortie de virage, et les feux n'éclairent pas spécialement de la meilleure des façons. Non, cette voiture ne vous réveillera pas si vous somnolez au volant, prenez-y garde.
Et puis, il y a évidemment cette consommation qui ferait pâlir plus d'un technicien en charge des mesures d'émissions ! Le combo gros V8 + carburateur n'aide évidemment pas, et la consommation est plus régulièrement aux alentours des 15-20 litres aux 100 kilomètres que vers les 10 litres. En associant cela avec la direction d'une lourdeur éléphantesque, inutile d'espérer l'utiliser tous les jours. Cette voiture n'est pas faite pour rouler dans nos rues, mais bien sur les grandes routes, et sans la pression du quotidien. Elle est à voir comme une machine à souvenirs, une boîte à sensations, une voiture pour aller pique-niquer en famille, un rendez-vous des bons copains.
Conclusion
Difficile de rendre cette machine à son propriétaire, sans immédiatement regretter de ne pas avoir gardé le trousseau en main. Comme toutes les anciennes, et d'autant plus celles qui ont du caractère, une Mustang est attachante, une relation se créée entre elle et son conducteur. Bien sûr, votre dos s'en plaindra, vos oreilles aussi, mais vos proches, vos amis et vous-même n'en feront rien, tant cette voiture est un concentré de plaisir. Une auto que l'on peut retrouver à partir de 25'000 euros dans des états corrects, qui demande un peu d'entretien, mais qui rend beaucoup de souvenirs. Si un jour il vous vient l'opportunité d'en conduire une, je n'aurai qu'un conseil à vous donner. Le même que celui de Franck : "Faîtes-vous plaisir." L'automobile, la vraie, ne se vit que comme cela.
Images : Damien Martinière / Motor1.com
Photos : Guillaume Nédélec / Motor1.com
Points positifs | Points négatifs |
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La facilité de prise en main | La direction un peu lourde |
Le confort de conduite | La tenue de route sous la pluie |
Le charme fou, l'ambiance à bord | Le volant, proche du conducteur |