Au début du mois de janvier, le ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, a profité d’une visite au CES de Las Vegas (Etats-Unis) pour se rendre à l’usine californienne de Tesla, à Fremont. Son objectif était clair : tenter de séduire l’emblématique patron de la marque afin que celle-ci décide de l’installation d’une usine en France après avoir déjà ouvert un site d’assemblage aux Pays-Bas au mois de septembre 2015. 

Tesla en France

Deux candidats déclarés

Il faut dire qu’au moins deux collectivités se sont, en France, publiquement positionnées dans cette perspective : la région Alsace d’un côté, la ville et l’agglomération de Châteauroux (36) de l’autre. Vincent Froehlicher, directeur général de l’Adira (Agence de développement d’Alsace), et Gil Avérous, maire et président de l’agglomération de Châteauroux, nous dévoilent leurs arguments, des sites d’implantation possible et partagent aussi quelques interrogations.

Les deux collectivités disposent d’avantages similaires pour attirer Tesla. "Depuis au moins la deuxième guerre mondiale, l’Alsace est une région qui, notamment grâce à sa situation transfrontalière, accueille de très nombreuses entreprises étrangères, environ 1 200 à ce jour. Notre région est aussi un berceau de l’industrie automobile, PSA étant à l’heure actuelle le principal employeur. Nous disposons de tout un écosystème autour de l’automobile et, maintenant, des mobilités nouvelles, par exemple avec un pôle de compétitivité du véhicule du  futur", justifie Vincent Froehlicher.

Gil Avérous évoque aussi le "savoir-faire local en matière automobile mais aussi aéronautique". Il fait aussi état de la disponibilité de "terrains de grande ampleur", ceci dans la perspective où Tesla envisagerait de construire une "Gigafactory". Parmi les autres atouts de Châteauroux, son maire évoque "un prix du terrain avantageux et une facilité d’accès grâce aux différentes infrastructures notamment routières et aériennes déjà existantes".

Un cahier des charges encore inconnu

Pour autant, il demeure difficile d’avancer sur le dossier puisque nos deux interlocuteurs conviennent qu’ils ne connaissent pas encore de manière précise le cahier des charges de Tesla. Quelle sera la taille de l’usine ? Combien d’emplois seraient créés ? Quelles seraient les exigences du constructeur en matière de subventions, sachant que l’éventuel versement de celles-ci serait de toute façon soumis à la réglementation européenne en vigueur ? Beaucoup de questions restent pour le moment sans réponse. La taille de l’usine semble toutefois de nature à distinguer les deux candidatures. Vincent Froehlicher reconnaît que la région Alsace ne serait pas en mesure de trouver les terrains nécessaires à l’implantation d’une Gigafactory : "S’il s’agit d’un site de production de taille normale, nous pourrons répondre, sinon cela ne sera pas possible".

Comme on l’aura déjà compris, Gil Avérous ne fait pas face à la même problématique. C’est peut-être ce qui explique l’opération séduction, plus volontariste, menée à travers les réseaux sociaux par la maire de Châteauroux… Ce dernier y voit surtout une manière de s’adresser au patron d’une marque, Elon Musk, qu’il sait "atypique".

Des sites identifiés

Pour Gil Avérous, le site d’implantation est tout désigné : "Il s’agirait du parc d’activités d’Ozans qui est situé à l’Est de la ville, à une dizaine de minutes de l’autoroute et de l’aéroport", laquelle s’étend sur 508 hectares (dont 325 cessibles), et peut s’appuyer sur une certification HQE (Haute Qualité Environnementale). En Alsace, plusieurs lieux sont envisagés : "Ce pourrait être sur le territoire de Mulhouse, sachant que PSA n’y est d’ailleurs pas opposé ; Madame Ségolène Royal a elle-même évoqué Fessenheim, il existe effectivement une grande zone portuaire à proximité sur laquelle du foncier est disponible ; des endroits sont aussi disponibles sur les villes de Strasbourg et de Lauterbourg mais nous pouvons en trouver d’autres", avance Vincent Froehlicher qui semble toutefois vouloir rester prudent. "Toute l’Europe est sur ce dossier ! Pratiquement toutes les régions françaises et plusieurs villes sont intéressées. Il faut dès lors se méfier de l’effet médiatique", prévient le directeur général de l’Adira.

"Toute l’Europe est sur ce dossier ! Pratiquement toutes les régions françaises et plusieurs villes sont intéressées. Il faut dès lors se méfier de l’effet médiatique".

Gil Avérous n’hésite pourtant pas à désigner clairement l’Alsace comme le principal rival français de Châteauroux. Entre une région et une ville, la concurrence n’est-elle toutefois pas déséquilibrée ? Justement, Gil Avérous nous apprend qu’une association réunissant la région Centre-Val de Loire, les collectivités locales, le MEDEF local mais aussi la CCI de l’Indre vient d’être décidée, notamment afin de mieux préparer le dossier en matière de subvention et de formation.

Et maintenant ?

Si le maire de Châteauroux se refuse d’entrer dans le détail des actions menées en direction de la marque américaine, il défend une candidature qui "n’est pas utopique". Il rappelle notamment que l’entreprise Sapa, qui dispose d’une usine à Châteauroux, fabrique déjà des châssis pour Tesla aux Etats-Unis, ce qui pourrait favoriser un démarrage rapide de l’activité dans sa ville dans le cas où Tesla la choisirait. En Alsace, on compte sur une visite dans les semaines à venir de Catherine Trautmann, vice-présidente de la Communauté Urbaine de Strasbourg chargée des questions universitaires et du développement économique et Présidente du Port Autonome de Strasbourg, pour tenter d’en savoir plus.

Un choix d’ici l’été

Depuis qu’au début de l’année dernière, à l’occasion d’un passage à Chambourcy, Elon Musk avait lui-même évoqué l’Alsace pour installer une nouvelle usine en Europe, la région française s’est retrouvée sous les feux des projecteurs. Châteauroux a largement communiqué entre-temps sur ses capacités et sa volonté d’accueillir Tesla. Il faudra toutefois compter, d’ici à ce que la décision soit prise – sans doute avant l’été 2017, avec la concurrence d’autres pays européens, de l’Angleterre à l’Espagne, en passant par l’Allemagne. Les mois à venir risquent donc d’être particulièrement animés, à moins que l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche ait pour effet de dissuader Tesla d’implanter une nouvelle usine en Europe dans l’immédiat et de repousser ce projet sine die.

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