Paris. S’il est une ville en France dont la politique en matière d’automobile suscite le débat c’est bien elle ! Afin de donner la parole aux représentants de l’actuelle majorité, nous avons sollicité la Mairie de Paris, d’abord son service presse pour tenter d’approcher Anne Hidalgo puis le cabinet de Christophe Nadjovski, adjoint à la Maire de Paris chargé de toutes les questions relatives aux transports, à la voirie, aux déplacements et à l'espace public. Entre attente, relances et promesses d’entretien, nous avons fini par renoncer après plusieurs semaines (voire mois) d’effort.

L’opposition, en la personne de Jean-François Legaret (LR), actuellement Maire du 1er arrondissement, Conseiller de Paris et Conseiller régional d’Île-de-France, a mis moins de temps à bien vouloir nous répondre. Avant de rendre compte de l’entretien qu’il nous a accordé dans son bureau de la Mairie du 1er arrondissement le 16 mars dernier, rappelons que Valérie Pécresse, Présidente de la région Île-de-France, a tout récemment dévoilé une douzaine de "mesures compensatoires" dont l’une envisage la création "d’une voie de circulation apaisée" sur le quai bas – celui de la voie express Georges-Pompidou – passant par l’ouverture de la voie de sécurité, qui est actuellement réservée aux secours, à la circulation de véhicules roulant à 30 km/h.

Dossier Mairie de Paris

Motor1 : Quelle est votre position quant à la fermeture des berges de la rive droite aux automobiles ?

Jean-François Legaret : Il convient d’abord de rappeler que toutes les grandes villes du monde cherchent des solutions pour lutter contre ce que j’appelle la pression automobile, ce qui englobe le nombre de voitures, leur présence ainsi que l’antagonisme entre l’automobile et les autres modes de déplacement. Dans ces villes, il faut distinguer les déplacements locaux et ceux de transit. Il se trouve que Paris a travaillé il y a déjà plusieurs décennies à la mise en place d’itinéraires de contournement, comme le périphérique ou encore la Francilienne.

Le développement urbain s’est poursuivi sans que la politique d’équipement des transports routiers ne soit continuée alors même qu’il est impossible d’implanter des transports en commun partout. L’élection de Jean-Paul Huchon (en 1998 – ndrl) à la présidence de la région a correspondu à une volonté de "stopper le transport routier". Nous sommes arrivés à la saturation des itinéraires routiers et, puisque la circulation est libre, l’axe Bastille-Concorde n’a pas désengorgé. Les conducteurs qui empruntent cet axe le font de bonne foi, accessoirement parce qu’il est agréable. J’en profite pour m’interroger sur la perspective de couvrir la totalité du boulevard périphérique : passer plusieurs heures par jour ou par semaine dans un corridor obscur et totalement fermé à l’intérieur duquel l’air sera pollué et dans lequel il ne sera même pas possible, à l’arrêt, de se servir du téléphone portable pour passer le temps me semble inconcevable.

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Plutôt que de se demander s’il faut pratiquer une écologie incitative ou punitive, il s’agit de s’interroger sur ce qu’est devenue la métropole parisienne en comparant sa situation avec celles d’autres grandes villes du monde. Il faut en outre souligner que ce ne sont pas las routes qui polluent mais les voitures qui roulent dessus. Faire des routes n’entraîne pas plus de pollution ; au contraire même ! Toutes les grandes métropoles qui ont réussi à marquer des points en matière de qualité de l’air ont travaillé sur la fluidité. Enfin, il est important de se souvenir de ce que Bertrand Delanoë (Maire de Paris de 2001 à 2014 – ndlr) avait déclaré lors de la décision d’interdire les voies sur berges de la rive gauche aux voitures. Le maire de l’époque avait indiqué qu’il faudrait d’abord renforcer les transports en commun avant de fermer celles de la rive droite, ce qui ne constituait pas une proposition inacceptable. Si l’on trouve un RER le long de la rive gauche, sur l’autre rive il n’y a que les bus et même aucune station de métro entre Alma-Marceau et Pont-Neuf. Six lignes d’autobus sillonnent la rive droite ; en comptant les lignes sécantes, on arrive à onze. Depuis le 1er septembre dernier, suite à la décision brutale de la Mairie de Paris de fermer les voies sur berge de la rive droite, laquelle n’a aucunement tenu compte de l’enquête publique ou des concertations menées avec les riverains, on a constaté de nombreuses défaillances sur la ligne 72 du bus qui relie notamment le pont de l’Alma à l’Hôtel de ville.

De quelle nature ?

La RATP parle pudiquement de phénomènes de "retournement de ligne". En réalité, sur cette ligne, en moyenne journalière, 22 % des trajets partant d’Alma sont interrompus à la Concorde, le bus étant obligé de faire demi-tour. En tenant compte des heures de pointe et de la fréquentation, on peut estimer à la moitié les passagers de cette ligne affectés par ce problème ; il faut y ajouter les passagers souhaitant monter dans le bus 72 à partir de l’Hôtel de ville mais qui ne le peuvent dès lors pas. Tout cela est complètement ahurissant. La perspective d’amélioration esquissée par Bertrand Delanoë ne s’est non seulement pas produite mais, depuis la fermeture de la voie Georges Pompidou, le service des transports en commun s’est même très fortement dégradé ; c’est une double peine, une double escroquerie. On vous demande de renoncer à prendre votre voiture, vous voulez faire preuve de bonne volonté et vous ne pouvez en fait pas le faire. Cette politique est absurde et incompréhensible ; elle n’est justifiée que par le dogmatisme et ne fonctionne absolument pas.

L’automobile est d’abord un instrument de liberté individuelle mais aussi un outil de travail pour beaucoup de gens. Je suis choqué par la désinformation qui a été pratiquée autour des motorisations.

Pointez-vous d’autres désagréments ?

Évidemment la qualité de vie. Il est d’ailleurs étrange de constater qu’il est impossible de connaître son évolution depuis la fermeture des voies sur berge de la rive droite. Nous avions demandé la mise en place de capteurs pour la mesurer avant la fermeture de ces voies puis la comparer après ; la Mairie de Paris nous l’a refusée. La majorité a rejeté les amendements que nous avions déposés pour les mettre en place. La Mairie de Paris est donc contre la transparence et contre la vérité. Certes, des capteurs ont finalement été installés en fin d’année dernière ; mais depuis nous sommes dans l’attente de chiffres. J’imagine que si ces chiffres étaient bons, on hésiterait moins à les produire. Parmi les autres désagréments figure également le bruit. Sur ce point, nous disposons de données ; elles sont accablantes. Au minium, les augmentations sont supérieures à 3 dB. La nuit, sur les quais hauts on est passé de 31 dB à 34,5 dB, ce qui correspond à plus du doublement des émissions sonores. Quant aux temps de transport, ils sont rallongés, tant en voiture qu’en autobus.

 

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Puisqu’il s’agit d’une expérimentation prévue sur six mois, ne pensez-vous pas que les inconvénients que vous mentionnez sont de nature à permettre une réouverture prochaine des voies ?

En vérité, un rapport de force est en train de se jouer entre la préfecture et la Mairie de Paris, cette dernière estimant la mesure comme définitive. Une autre question se pose, celle de l’utilisation du souterrain des Tuileries qui, il y a moins de cinq ans, a été mis aux normes Mont-Blanc, ce qui a d’ailleurs coûté environ quinze millions d’euros. Aucune proposition sérieuse n’a été faite pour ce souterrain. La seule hypothèse dont j’ai entendu parler concernait l’installation de tables de ping-pong… Je constate en outre que la voie sur berge basse est très peu occupée depuis le 1er septembre dernier.

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Que pensez-vous de la proposition de la Mairie de Paris d’installer un tram-bus électrique sur les quais hauts de la rive droite ? Ne permettrait-elle pas de remédier aux problèmes de transport en commun dont vous faisiez justement état ?

Ce projet, dont la première réunion qui a été organisée pour en discuter, le "Copil" (ou "comité de pilotage" – ndlr), ne s’est tenue que tout récemment, le mercredi 8 mars dernier, est une façon de reconnaître que les transports en commun ne fonctionnent pas correctement et pose un certain nombre de problèmes. Prévu pour être bi-directionnel, il occupera en réalité toute la largeur des quais hauts si l’on tient compte des quais de chargement et de déchargement. Cela signifie que ce projet supprime toute voie de circulation à cet endroit. On sait que ce projet va de pair avec une rue de Rivoli à double sens de circulation. Mais n’envisager qu’une seule file sur l’axe Ouest-Est est tout simplement aberrant. Il serait plus judicieux d’opter pour les propositions faites par Valérie Pécresse et le STIF (cet organisme gère et finance les transports publics en Île-de-France ; il est composé de la région Île-de-France, de la Ville de Paris et des sept autres départements franciliens – ndlr) il y a quelques jours à peine, à savoir : un bus modernisé et électrique sur les berges hautes circulant sur une voie prioritaire et la possibilité de rétablir une des deux voies de circulation sur les berges basses en y limitant la vitesse à 30 km/h.

 

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Plus généralement, quelle place l’automobile doit-elle occuper dans Paris selon vous ?

L’automobile est d’abord un instrument de liberté individuelle mais aussi un outil de travail pour beaucoup de gens. Je suis choqué par la désinformation qui a été pratiquée autour des motorisations. La politique fiscale en faveur des Diesel a fait courir beaucoup de risques en matière de santé publique ; il ne faut donc pas punir ou stigmatiser les gens qui ont acheté des véhicules équipés de ce type de motorisation. Je constate en outre qu’il est aujourd’hui impossible de trouver un véhicule roulant au GPL dans les catalogues des constructeurs français. Je suis favorable au développement de véhicules moins polluants.

Que pensez-vous d’Autolib’ ? Et quelles mesures peuvent-elles adoptées pour en améliorer la rentabilité ?

Ce service s’avère plus coûteux pour la ville que prévu, notamment en raison d’un taux de vandalisme qui est très élevé.

Quelles actions pourraient être prises pour le limiter ?

Je considère que l’installation de systèmes vidéo autour des stations pourrait constituer une solution.

Seriez-vous favorable à la mise en place d’un péage urbain ?

Dans le principe, je ne suis ni pour ni contre ; je pense que la question mérite en tout cas d’être posée. À condition que le périmètre soit suffisamment large et que les tarifs ne soient pas prohibitifs, l’instauration d’un péage, conjuguée à un renforcement des transports en commun, pourrait peut-être aider à lutter contre la circulation de transit.

L’idée de réserver certaines voies aux véhicules transportant plusieurs passagers serait-elle selon vous judicieuse dans une ville comme Paris ?

Cela me paraît être plutôt intelligent.

Que pensez-vous de l’hypothèse d’interdire l’hypercentre de Paris aux voitures ?

C’est purement démagogique et ridicule.

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