1937 – Bugatti vit son âge d'or sur les routes françaises. La marque d'Ettore Bugatti est désormais reconnue pour ses voitures, notamment la très réussie Bugatti Type 57, et profite d'une réputation non négligeable suite à ses succès avec la Type 35 Grand Prix, puis la 59. Seulement, entre le début des années 1930 et 1937, un évènement politique entre en jeu, déterminant pour la décennie à venir, celui de l'arrivée d'Adolf Hitler à la tête de l'Allemagne.
Le Führer veut redonner sa grandeur à l'Allemagne, et cela passe par des succès industriels et sportifs. De fait, les marques allemandes sont subventionnées par le IIIe Reich pour dominer en Grand Prix. Exit les succès de Bugatti, Delage, Delahay ou Talbot. Désormais, les Flèches d'Argent dominent sur les courses de Grand Prix.
Côté Français, l'État ne soutient pas les équipes, et très vite, l'écurie Bugatti est dépassée par les folles performances des Auto Union et Mercedes. Aussi, le projet de s'imposer aux 24 Heures du Mans vient en tête chez les Alsaciens de Bugatti. Deux hommes réfléchissent à ce projet : l'ancien Champion du monde Grand Prix 1927, Robert Benoist, passé chez Bugatti depuis, et directeur sportif de la marque, et Jean Bugatti, ingénieur de renom, fils d'Ettore.
Question d'honneur
Le règlement de l'ACO fait la part belle aux voitures de route, et pour les deux hommes, il faut préparer une voiture la plus efficace possible pour gagner au Mans. On s'inspire des idées envisagées en 1923, à l'époque des Grand Prix et des Tanks Bugatti. Dès 1936, en sort ce que l'on pourrait considérer comme le premier prototype de l'histoire du Mans. Une voiture carénée, robuste et solide.
Seulement, en 1936, les mouvements sociaux ne permettent pas d'espérer l'organisation d'une course au Mans, après les grèves. Aussi, il faudra patienter jusqu'en 1937, et améliorer l'auto en attendant. La 57G imaginée par Bugatti reste remarquable, avec son huit cylindres en ligne de 3,3 litres de cylindrée. Surtout, elle s'offre un feu latéral, permettant d'éclairer les bords de la route.
La 57G a donc rendez-vous Au volant, Roger Labric (qui écrira un superbe livre sur Le Mans en 1949) et Pierre Veyron se partagent la première, Robert Benoist et Jean-Pierre Wimille sont engagés sur la seconde. En face, on retrouve des Lagonda, Delahaye, Talbot, Delage et autres Peugeot Darl'Mat. Pourtant, sous le mauvais temps, très vite, l'équipage Wimille-Benoist va prendre les devants, et ne plus les lâcher.
Au bout de 3287,938 km/h de course, et une moyenne de 136,997 km/h, un record, la Bugatti de Benoist-Wimille s'impose haut la main, l'autre Bugatti abandonnant sur un problème de réservoir dessoudé. Une victoire retentissante pour Benoist, qui arrête sa carrière de pilote, et pour Wimille, qui se fait connaître au plus grand nombre. Enfin, le génie de Jean Bugatti est désormais auréolé de succès sportifs. Bref, Bugatti revient sur le devant de la scène en sport automobile, tandis que deux hommes de valeur s'imposent au Mans.
Lent déclin
L'histoire ne s'arrête pas là. En 1939, La fine équipe revient au Mans avec une nouvelle évolution de la 57, la 57C. Cette fois-ci, Ettore Bugatti a accédé à la demande pressante de Jean, mais à une seule condition : "Comme il n'y a qu'un seul gagnant, il n'y a besoin que d'une seule voiture. Ce qu'en d'autres temps Bentley a tenté et réussi et que notre record de 1937 n'a pas été battu, pourquoi tergiverser." A raison : Pierre Veyron et Jean-Pierre Wimille s'imposent sans soucis au volant d'une voiture à compresseur et freins ventilés. Ce sera cependant la dernière victoire majeure de Bugatti. Pire, un peu plus tard durant l'été, lors d'essais sur route ouverte avec la 57C, Jean Bugatti va se tuer. Ce sera le début de la fin de Bugatti, qui ne se remettra pas du second conflit mondial.
Pour la petite histoire, le duo Wimille-Benoist va encore sévir, mais non plus derrière un volant. Durant le conflit mondial, Jean-Pierre Wimille et Robert Benoist ainsi que le pilote britannique Grover-Williams, passé aussi chez Bugatti, feront partie du même réseau de résistance. Benoist étant même parachuté en 1943 sur le circuit du Mans, où il s'était imposé quelques années plus tôt. Wimille est Benoist seront cependant pris par la Gestapo en juin 1944. Si Wimille parviendra à s'échapper, Benoist sera pendu à Buchenwald en septembre. Wimille lui, reprendra sa carrière de pilote après la guerre, mais un accident lors d'essais en 1949, juste avant la première saison de Formule 1 prive la France d'un potentiel champion du monde de F1, dès 1950.