Škoda est une marque qui continue de muter fortement. Au sein du groupe Volkswagen, elle est parvenue – qui sait en partie grâce à son histoire – à trouver sa place, à affirmer sa singularité, au point de pouvoir paraître comme l’une des marques motrices du groupe. Au moment où elle s’est lancée dans une offensive SUV – Kodiaq et maintenant Karoq font une entrée remarquée sur le marché – tout en poursuivant sa montée en gamme, il nous a semblé opportun de nous entretenir avec Lahouari Bannaoum, qui n’est autre que le directeur général de Škoda France.

Motor1 : Quelle lecture du slogan "Simply clever" de la marque Škoda faites-vous ?
Lahouari Bennaoum : Notre positionnement se veut cohérent et inscrit dans la durée. Sur un segment donné, il s’agit d’offrir à la fois plus de place et plus de fonctionnalités que la concurrence, en général entre vingt et trente fonctions supplémentaires (cette notion de fonctionnalité est bien à entendre au pluriel puisque Lahouari Bennaoum pense ici d’abord à des équipements ou à des services associés aux véhicules comme les parapluies intégrés aux portières ou encore les gratte-givre logés dans la trappe à carburant – ndlr). Notre objectif consiste à faciliter la vie de tous les jours.
Motor1 : Le design semble occuper une place de plus en plus prépondérante chez Škoda. Pourquoi cela ?
Lahouari Bennaoum : Avant le lancement de la dernière génération de la Superb, nous avions identifié que nous ne pouvions pas évoluer en nous cantonnant à une approche seulement rationnelle et qu’il nous fallait davantage jouer sur les émotions. C’est la raison pour laquelle l’actuelle Superb a constitué une rupture stylistique pour notre marque, rupture qui a été confirmée avec le Kodiaq. Il faut d’ailleurs savoir que le design constitue le premier critère d’achat sur le marché français, devant le prix donc.
Motor1 : Si l’on met à part le cas du Yeti, comment le fait que le premier SUV de l’histoire de la marque soit un grand véhicule est-il à interpréter d’un point de vue stratégique ? Par ailleurs, êtes-vous satisfait des débuts de votre SUV Kodiaq ?
Lahouari Bennaoum : Proposer d’abord un grand SUV faisait bien entendu partie de notre stratégie "par le haut". La place du Kodiaq sur son segment est légitime, d’autant qu’il reçoit une transmission intégrale et peut accueillir jusqu’à sept personnes à son bord. Quant à ses débuts commerciaux, nous sommes même tributaires de son succès puisque les délais de livraison sont encore compris entre six et huit mois. C’est pourquoi nous proposerons à partir du 1er juin prochain une solution de mobilité à notre clientèle consistant par exemple en le prêt d’une Octavia dans l’attente d’une livraison.




Motor1 : Le Kodiaq est-il pour Škoda un véhicule de conquête ?
Lahouari Bennaoum : Clairement puisque 90 % des clients sont nouveaux ; ils proviennent par exemple de BMW, de Volvo… Nous en avons d’ores et déjà vendu 2 000 au prix moyen de 42 000 euros (sic) car nous vendons beaucoup de finitions hautes. Pour nous, le Kodiaq est synonyme de design, d’espace, de technologie, de confort ; nous proposons une expérience. Bien qu’il s’agisse d’un véhicule de conquête, il reste encore beaucoup à faire. De nombreuses personnes ne connaissent pas encore assez bien notre gamme et nos modèles ou ont encore des a priori.
Motor1 : Quelles actions menez-vous pour y remédier ?
Lahouari Bennaoum : D’abord mieux expliquer ce que nous sommes, notamment en mettant en avant le niveau élevé des valeurs résiduelles et les coûts d’usage bas de nos modèles. Ensuite par une nouvelle identification de nos concessions initiée il y a un an et demi. Enfin par une communication, qu’elle soit digitale ou non, au niveau local comme au niveau national, appropriée au marché français. Nous créons nos propres films en recherchant une plus grande proximité avec la langue française.
Motor1 : Existe-t-il un client Škoda type ? Si oui, comment se caractérise-t-il ?
Lahouari Bennaoum : Sur un segment donné, nos clients appartiennent à la fourchette haute d’une CSP correspondante et disposent de revenus plutôt élevés. Compte tenu de l’espace disponible dans nos véhicules, il s’agit souvent de mères ou de pères de famille. L’une de nos forces repose sur les ventes aux entreprises qui représentent un tiers de nos volumes. Nous avons une vraie légitimité auprès des sociétés en raison de la valeur résiduelle, du bas coût d’usage et de l’espace disponible à bord de nos véhicules. Nous sommes d’ailleurs en train de renforcer notre réseau « Fleet Centers » à destination des entreprises et d’affiner notre offre et nos services à l’attention des petites et des moyennes entreprises.
Motor1 : Comment réussissez-vous à contenir vos tarifs ?
Lahouari Bennaoum : De manière générale, les véhicules sont de plus en plus fiables ; je dirais même que les nôtres se situent plutôt au-dessus de la moyenne ; cela sera encore plus vrai à partir de 2020 avec l’arrivée de modèles électriques. De plus le marché à confiance dans la marque, notamment parce que notre politique commerciale est cohérente. Tout cela a des effets vertueux. Il convient aussi de prendre en compte la cotation des modèles sur le marché de l’occasion qui est bien orientée.
Motor1 : Le nouveau Karoq arrive. Qu’en attendez-vous ? Pouvez-vous nous indiquer quels sont vos objectifs de vente sur le marché français ?
Lahouari Bennaoum : Nous pensons qu’il va "fonctionner" mais nous ne savons pas à quel niveau. Nous nous sommes positionnés dans une logique nous permettant de répondre à une demande supplémentaire.
Motor1 : Le Karoq ne rompt-il pas avec la réputation de la marque d’offrir plus d’habitabilité que les produits de ses concurrents directs, notamment aux places arrière ?
Lahouari Bennaoum : Le marché ou ses observateurs en demandent toujours plus… Par rapport à la concurrence, nous sommes mieux-disants.
Motor1 : Êtes-vous satisfait des résultats commerciaux de la Fabia ?
Lahouari Bennaoum : Elle fait face à un environnement concurrentiel très fort. Nous sommes contents de ses résultats mais il est toujours possible de faire mieux, notamment de mieux faire connaître ses qualités intrinsèques. Nous cherchons aussi à lui conférer un caractère plus émotionnel, par exemple à travers les Fabia Monte Carlo. Les succès du modèle R5 de rallye peuvent en outre constituer une piste pour mettre en valeur sa fibre sportive.


Motor1 : Les Citigo et Rapid Spaceback ont-elles leur place sur le marché français ?
Lahouari Bennaoum : La Citigo n’est pas un "volume maker". Quant à la Rapid Spaceback, en terme d’espace, de fonctionnalité ou encore de design, elle correspond parfaitement à notre positionnement. Le fait que nous soyons dans une phase de conquête pourrait en outre amener de nouveaux clients de la marque à opter pour un autre modèle de la gamme. Il nous arrive de devoir faire des arbitrages en terme de communication voire des choix plus radicaux, comme l’arrêt il y a plusieurs mois déjà de la commercialisation de la berline Rapid sur le marché français. Pour revenir au reste de notre gamme, je tiens à souligner les excellents résultats de la Superb. Nous comptons les maintenir. Pour l’Octavia, nous poursuivons notre soutien. Enfin, sur le segment de la Rapid Spaceback, nous serons en mesure d’ici quelques années de proposer une offre complètement renouvelée.
Motor1 : Skoda est partenaire de nombreux événements, notamment en France. Comptez-vous poursuivre cette politique ?
Lahouari Bennaoum : Oui. Il est important de travailler dans la continuité, comme c’est le cas avec le Tour de France depuis plusieurs années, dans le cadre d’un partenariat qui est placé au niveau international. Nous cherchons à construire nos partenariats afin de permettre aux gens de mieux connaître la marque car nous avons observé que lorsque c’est le cas, les gens en viennent à l’apprécier. La priorité est donc bien de la faire connaître.
Motor1 : Peut-on imaginer Skoda faire son retour à la compétition au niveau hexagonal ?
Lahouari Bennaoum : Une réflexion est actuellement en cours. Si jamais nous devions envisager un programme il faudrait toutefois le mener avec toute notre énergie, en faisant le maximum.