Lorsqu’on pense Alpine et sport automobile, généralement des images de la berlinette A 110 en rallye, mais aussi de la victoire aux 24 Heures du Mans de 1978 reviennent à l’esprit. Cette dernière ainsi que le titre de champion du monde des rallyes acquis en 1973 constituent les points culminants d’une histoire en sport automobile qui trouve son origine avant même la fondation de la marque.
Jean Rédélé, qui était alors concessionnaire Renault, s’imposa dans sa classe au rallye de Dieppe 1950 au volant d’une Renault 4 CV. Cette victoire fut remarquée par François Landon, le responsable du service compétition de la Régie Renault et pilote lui-même, qui lui confiera peu de temps après une 4 CV-1063.
Dès 1952, l’équipage composé par Jean Rédélé et son ami Louis Pons remportait la classe 750 cm3 au Liège-Rome-Liège, au Mille Miles et à la Coupe des Alpes, des épreuves particulièrement populaires. Lorsqu'il décida de la construction d’une 4 CV Spéciale qui deviendra plus tard le Coach A 106, Jean Rédélé pensait déjà à la compétition.

Il imposa d’ailleurs un exemplaire au Grand Prix de Lisbonne et au Rallye de Dieppe de 1953. C’est en 1956 qu’intervînt la toute première victoire d’une Alpine. Un Coach A 106 remporta la catégorie "Tourisme de série spécial" des Mille Miles grâce à l’équipage Jean-Claude Galtier-Maurice Michy. Les qualités de la voiture (performances, maniabilité, coût d’entretien contenu) en firent dès lors un véhicule désiré par les pilotes.
L’endurance après le rallye
En 1963, Alpine se dota d’un service compétition. Cette même année correspondait au début d’une implication en endurance. La M63 (la lettre "M" renvoie à la ville du Mans et à ses célèbres 24 Heures) fut terminée la nuit précédant les essais préliminaires de l’épreuve mancelle. Malheureusement, ce premier engagement sera marqué par un drame. Le pilote brésilien Christian Heins mourra en effet calciné après avoir tenté d’éviter un carambolage impliquant plusieurs voitures, suite à une fuite d’huile sur une Aston Martin pilotée par Bruce McLaren.

Au volant d’une M63 roadster allégée, José Rosinski fut toutefois sacré champion de France de courses de côte cette année-là. L’année suivante, Alpine débuta l’aventure de la monoplace avec un programme en Formule 2 et en Formule 3. Jean Rédélé eut droit aux honneurs du podium aux 24 Heures du Mans, grâce à une victoire à l’indice énergétique glanée par l’une des quatre nouvelles M64 alignées. C’est en 1965 qu’Alpine décrocha sa première grande victoire en circuit avec une M65 pilotée par les frères Mauro et Lucien Bianchi, notamment face à des Abarth, à l’occasion des 500 km du Nürburgring.



L'A 210 permit de nouveau à la marque de s’illustrer aux 24 Heures du Mans en 1966, toujours via l’indice énergétique, où elle trusta même les trois premières places. Toutefois Alpine et Renault, dont la fusion des services de compétition intervînt en 1967 sous la houlette de Jacques Féret et Jacques Cheinisse, en voulaient plus et viser le scratch. Pour arriver à leurs fins ils espéraient pouvoir compter sur un nouveau V8 3,0 litres Gordini dont Renault avait financé le développement… qui n’apportera jamais vraiment satisfaction. La gloire adviendra dès lors par le rallye et par la fameuse berlinette !
1971 et 1973 : des moments forts pour Alpine en rallye
Le palmarès de la marque en rallye est des plus impressionnants. Un premier titre international de champion d’Europe des rallyes fut ainsi décroché par la A 110 1600 S en 1970 grâce à Jean-Claude Andruet. En 1971, l'A 110 S Groupe 4 s’offrit encore le championnat d’Europe de la spécialité. Mais certains rallyes, comme le Monte-Carlo, se refusèrent longtemps…
En 1968, des A 110 1300 y étaient opposées aux Porsche 911 T. La française pouvait compter sur ses 150 kg de moins pour compenser son déficit de puissance (120 ch contre les 180 ch de l’allemande). Alors qu’il était en tête, Gérard Larousse vit son Alpine perdre de l’eau dans le col du Turini, ce qui le contraignit à un arrêt prolongé. Vic Elford hérita alors de la tête sur sa Porsche. Larousse se lança dans une remontée effrénée. Tous les espoirs étaient à nouveau permis. Seulement, une plaque de neige déposée sur la route par des spectateurs mal intentionnés l’expédia dans le décor.
Aussi le triplé réalisé en 1971 sonna comme une délivrance… La récente recrue de la marque, Ove Andersson (qui dirigera par la suite Toyota Team Europe), vengea Alpine en emmenant dans son sillage Jean-Luc Thérier et Jean-Claude Andruet pour un triomphe historique. Peut-être que la décision prise l’année précédente d’un retrait provisoire des A 220 d’endurance et de la Formule 3 pour concentrer l’ensemble des efforts d’un programme directement défini par le service marketing de la Régie Renault sur les rallyes et le championnat international des constructeurs porta ses fruits.





Deux ans plus tard, la A 110-1800 Groupe 4 allait inaugurer le palmarès du championnat du monde des rallyes, véritable consécration pour la marque et pour l’équipe œuvrant derrière les autos. La fiabilité était devenue l’un des points forts de la berlinette (en 29 participations, elle vit ainsi 25 fois l’arrivée). À celle-ci s’ajoutait à la tenue de route, au freinage et à l’apparition d’un bloc de 1796 cm3 dont la courbe de couple et de puissance rendait l’auto plus utilisable, et ce en toute circonstance. Cette année-là, la plus belle victoire fut sans doute acquise au Maroc, par Bernard Darniche, tant l’épreuve était jusqu'alors réservée à des constructeurs comme Citroën ou Peugeot dont les modèles étaient réputés indestructibles.
La saison fut en tout point irréprochable. Engagées dans huit des treize manches du championnat du monde, les berlinettes en remportèrent sept : Monte Carlo, Portugal, Maroc, Acropole, San Remo et Tour de Corse. Alpine termina avec 155 points, loin devant Fiat (89 points) et Ford (76 points).
Endurance : l’Europe d’abord, le Mans ensuite
La parenthèse imposée à l’Endurance allait être de courte durée. Une nouvelle opportunité réglementaire permettait à Alpine et à Renault de lancer dès 1972 un nouveau programme, d’abord en championnat d’Europe avec un prototype 2,0 litres. La A 440 fut construite en moins de six mois et effectua ses premiers tours de roue le 1er mai 1973 sur le circuit Paul-Ricard.
Autant la première année d’exploitation fut difficile, autant la seconde fut couronnée de succès et conclue sur un titre de champion d’Europe pour la A 441/A. Cette barquette présentait une bonne adéquation entre sa motorisation V6 Renault-Gordini de 285 ch et une aérodynamique soignée. Les pilotes (Jabouille, Serpaggi, Cudini, Darniche, Larousse, Depailler et Beaumont) participèrent également largement au succès d’Alpine au volant d’une machine en effet éprouvante à piloter notamment en raison d’une direction particulièrement lourde, héritée des A 364 de Formule 3, quand la piste était bosselée et d’une commande de boîte de vitesses dont le maniement réclamait une certaine dextérité.

L’état-major de Renault n’avait dès lors plus qu’une idée en tête : gagner les 24 Heures du Mans. La A 442 afficha ses ambitions aux essais de l’édition de 1976 en raflant grâce à Jabouille et Tambay les deux meilleurs temps. Pourtant aucune victoire ne vint récompenser l’engagement sur six manches du calendrier et la saison constitua donc un échec patent. Celui-ci fut d’ailleurs plutôt imputable à une mauvaise organisation de l’équipe qu’à des problèmes de fiabilité ou à un défaut de performance.
Le nouveau patron de la compétition, Gérard Larousse, décida en amont de la saison 1977, d’un important programme d’essais privés. Une A 442/B aux capots avant et arrière redessinés, allongée de 15 cm, au moteur V6 turbo aménagé au niveau des culasses, des pistons, de l’embiellage et de la circulation d’huile, au freinage évolué, était prête à tenir la dragée haute aux deux Porsche 936.

Toutefois, aux 24 Heures, c’est un désastre qui attendait Alpine. Alors que les A 442 occupaient les trois premières places à l’issue des trois premières heures de course, trois abandons sur rupture de pistons en pleine ligne droite des Hunaudières vinrent démontrer une fois de plus le caractère impitoyable de la plus célèbre des classiques de l’endurance.
L’année suivante, le programme de Formule 1 déjà initié passa au second plan. La priorité était clairement Le Mans. Une véritable armada, composée de deux A 442/B, deux A442/A et d’une A 443 disposant notamment d’un moteur à la cylindrée légèrement augmentée et portée à 2 138 cm3, fut alignée. Durant les essais, Jean-Pierre Jabouille pulvérisa le record du tour au volant de dernière, à 229,244 km/h de moyenne. Jabouille et Depailler eurent pour rôle de jouer les lièvres, ce qu’ils firent à la perfection. Grâce à des voitures et à une équipe bien rodée mais aussi en raison de problèmes de transmission rencontrés par des Porsche officielles peut-être un peu trop sûres d’elles-mêmes Didier Pironi et Jean-Pierre Jassaud permirent enfin à Alpine de remporter les 24 Heures avec à la clé un record de la distance parcourue porté à 5 044 km.


Pour l’anecdote, leur spider A 442/B était le seul équipé d’une bulle Plexiglas qui permettait certes de gagner quelques km/h en vitesse de pointe mais rendait aussi rapidement insupportable la température à bord. On comprend dès lors mieux pourquoi les deux hommes furent les seuls à accepter en course cet appendice. Qu’importe ! Renault-Alpine (les Alpine-Renault avaient été rebaptisées dès l’année précédente) pouvait se targuer d’une victoire historique face à un adversaire prestigieux et Renault pouvait diriger ses efforts vers la Formule 1, seul, sans Alpine…
Et si l’histoire se répétait ?
Quelques semaines seulement après l’annonce par le groupe Renault de la renaissance d’Alpine, un programme d’endurance avec l’écurie Signatech était mis en place en début d’année 2013. Les résultats ne tardèrent pas. Signatech-Alpine réussit même à enchaîner deux titres de champions ELMS en 2013 et en 2014. Toujours dans la catégorie LMP2 mais passée sur la scène du WEC en 2015, l’écurie décrocha sa première victoire mondiale à l’occasion de la manche chinoise.
La saison 2016 fut idyllique avec une victoire de catégorie (LMP2) aux 24 Heures du Mans, les titres mondiaux Équipe et Pilotes (LMP2). Cette année 2017, Alpine devrait poursuivre dans la même catégorie en mixant probablement un programme mondial et un programme européen (ELMS) au moment du lancement de la nouvelle voiture de route.

Au-delà, on peut s’interroger sur la stratégie à suivre en sport automobile. Si les dirigeants d’Alpine ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour un éventuel futur programme client en GT4, il n’en demeure pas moins que cette catégorie, tout comme le LMP2, demeurent peu valorisables auprès du grand public. Si d’aucuns rêvent déjà d’un retour d’Alpine pour jouer la gagne aux 24 Heures du Mans, une telle hypothèse paraît des plus prématurées. Avant d’en arriver à une telle éventualité il faudrait que la marque dispose d’un catalogue plus fourni et vise des volumes de vente nettement plus conséquents que ceux prévus pour le moment.
Pour aller plus loin
Alpine en compétition, Michel Morelli, E.T.A.I, 2002
Alpine label bleu, Série et compétition, Christian Descombes, E/P/A éditions, 1991