"Chef-d'oeuvre (n.m): Ce qui est parfait dans son genre". Il est peu d'autos qui peuvent se targuer d'être une réussite absolue. Pourtant, en 1966, la firme italienne Lamborghini, encore peu connue, réussi un coup de maître. Après la très jolie 400 GT, la firme de Ferruccio Lamborghini présente une voiture novatrice au salon de Turin 1965 : Lamborghini va produire une GT avec un moteur en position centrale arrière, une première pour une voiture de série ! Toutefois, pour le moment, seul le châssis est présenté.



C'est au salon de Genève, l'année suivante que tout change. Marcello Gandini, un jeune italien de 27 ans, s'est chargé du dessin de la Miura P400 pour Bertone. En sort une ligne magnifique, parfait exemple du meilleur du style italien des années 1960. Le charme opère immédiatement. Avant même sa mise en production, tandis que la mise au point est encore en cours, la Miura est déjà un succès supérieur à ce que prévoyait la firme de Sant'Agata Bolognese. L'auto coûte pourtant plus de trois Jaguar Type E...




Voyez plutôt, derrière le conducteur, on retrouve le moteur V12 Bizzarrini de 4,0 litres de cylindrée, doté de quatre carburateurs tricorps. Ce qui représente un corps de carburateur par cylindre ! De quoi largement alimenter le bloc italien et lui permettre d'offrir près de 350 chevaux. À l'époque, une puissance extraordinaire, qui autorise des pointes toute aussi extraordinaires : 270 km/h, soit, potentiellement, la voiture la plus rapide du monde. Côté accélération, pour l'époque, c'est aussi le grand jeu. Le 0 à 100 km/h est abattu en 6 secondes, et le 220 et 25 secondes !
À l'intérieur, c'est aussi du grand luxe à l'italienne. Cuir, bois et aluminium sont présents. Au centre de l'habitacle étriqué s'impose une énorme console centrale, où l'on retrouve les manomètres de température, de charge de la batterie ou de la jauge d'essence.
Ennuis de jeunesse
En 1966 donc, la Miura est commercialisée, mais un peu sous pression. L'auto manque de mise au point à son lancement. Elle souffre notamment d'un manque de fiabilité, au niveau de l'arrivée d'essence, qui peut causer des incendies. Toutefois, les vrais problèmes reposent sur la tenue de route. Le châssis, dessiné par Dallara, manque encore un peu de rigidité, et les pneus sont sous-dimensionnés pour une voiture de ce calibre. Plus compliqué, la tenue de cap est difficile à haute vitesse : la voiture souffre de son aérodynamisme. À plus de 270 km/h, cela peut-être compliqué !


Ces problèmes seront réglés à partir de la P400S. Revue dans les détails, les soucis de finition et de stabilité sont réglés, la perfection prend définitivement forme. Le comportement devient neutre, bien servi par une direction précise, et un châssis efficace. La Miura peut désormais s'installer dans l'imaginaire comme la voiture la plus rapide du monde, avec son moteur qui reçoit désormais 370 chevaux. Imaginez, pour l'époque, dépasser avec désinvolture une Ferrari 275 GTB, ou une Jaguar Type, et en rajouter une couche en passant la cinquième !
Du côté de Ferrari, c'en est trop ! Il est temps de remettre Lamborghini à sa place. Le "constructeur de tracteur" va voir de quel bois on se chauffe à Maranello avec la 365 GTB/4 dite Daytona. Les deux autos vont se disputer le titre de voiture la plus puissante et la plus rapide du monde. Et surtout créer un cruel dilemme : de ces deux beautés, laquelle acheter ?


Une nouvelle évolution, en 1971, la SV, poussera la puissance à 385 chevaux, et certains diront que la Miura peut atteindre la barre fatidique des 300 km/h. Une version course sera également imaginée en exemplaire unique, ainsi qu'une version roadster, tout aussi remarquée par son unicité.
En 1973, après 474 unités en P400, 140 en S et 150 en SV, la Miura tirera sa révérence. Elle sera remplacée par la révolution stylistique qu'est la Countach, mais celle-ci n'aura jamais la même aura que la Miura. Que voulez-vous, la perfection ne l'est vraiment que si elle est unique.