Lorsque l'on a rencontré Stephan Winkelmann, le PDG de Bugatti, pendant les Motor1 Days, il nous a expliqué que la marque souhaitait désormais sortir deux modèles par an. Le premier de 2019, présenté au Salon de Genève, était La Voiture Noire, un hommage à la très ancienne Bugatti Atlantic, et à son destin hors norme.
A Monterey, pour la Monterey Car Week, la marque a présenté son deuxième modèle de l'année, une série spéciale appelée Centodieci. Ce nom italien veut dire '110' et marque cet anniversaire de la marque, créée en 1909. Et pour fêter les 110 ans de Bugatti, tout en reprenant le nombre 110 dans le nom de la voiture, quoi de mieux qu'un hommage à celle qui le portait déjà avant ? Car oui, la Centodieci est un hommage moderne, sinon futuriste, à l'EB110 SS.
"Avec la Centodieci, nous rendons hommage à l’EB110, laquelle a été créée dans les années 1990 et fait partie intégrante de notre histoire riche en traditions", déclare justement Stephan Winkelmann. "L’EB110 a permis à Bugatti de se propulser à nouveau au sommet du secteur automobile au niveau mondial après 1956. Nous sommes fiers de la longue histoire de Bugatti dont l’EB110 fait également partie intégrante. Avec la Centodieci, nous célébrons ainsi une réinterprétation de l’ancien véhicule d’exception."
L'EB110 fut fabriquée à l'usine de Campogalliano, car le propriétaire Romano Artioli voulait être proche des autres marques sportives, pour faciliter ses recrutements. Le nom de cette supercar des années 90 était d'ailleurs très significatif pour le propriétaire de l'époque, puisqu'il s'agissait des initiales d'Ettore Bugatti, tandis que la voiture fut présentée le jour des 110 ans de sa naissance. Ce sont toutes ces significations que la marque a voulu honorer au travers de la Centodieci, et en particulier son designer Achim Andscheidt.
Ce dernier, précisant que la voiture est plus extrême que la Chiron et la Divo, voulait la rendre plus intemporelle, comme La Voiture Noire. Mais il voulait aussi transposer le design de l'EB110, qui arborait un graphisme très plat, plutôt anguleux, comme le faisaient certaines supercars de la décennie, telles que la Lamborghini Diablo ou la Jaguar XJ220 : "Le défi consistait à ne pas s’inspirer du design de la voiture historique et à ne pas travailler uniquement de manière rétrospective. Nous souhaitions interpréter de manière moderne la ligne et la technologie de l’époque."
"Nous nous sommes confrontés à plusieurs défis techniques lors du développement et de la conception de la Centodieci. La transposition de ce look classique dans un nouveau millénaire sans le copier s’est avérée délicate, tout particulièrement d’un point de vue technique. Nous avons dû définir une nouvelle manière d’associer les exigences aérodynamiques complexes de la technologie associée à la Chiron et une esthétique totalement différente."
Le premier point que l'on retrouve sur cette Centodieci est évidemment la toute petite entrée d'air en forme de fer à cheval, qui était déjà très présente sur l'EB110. Bugatti a profité de l'avant très plongeant de sa dernière-née pour ajuster cet élément en rappel de son aînée. Les entrées d'air sont toutefois massives autour, et la large surface carrossée est épurée, ne se laissant fendre que par deux larges et fins feux à LED intégrés.
Et si le designer se félicite de la "liberté totale sur le plan stylistique", elle se voit particulièrement à l'arrière, où les phares prennent toute la largeur de la voiture, avec un graphisme rappelant l'EB110. Il y a huit feux doubles répartis sur l'ensemble de la partie arrière, et les sorties d'échappement, au nombre de 4, sont réparties en deux doubles verticaux.
Elles encadrent par ailleurs un large diffuseur, tandis qu'au dessus, on retrouve un imposant aileron et une vitre transparente qui laisse entrevoir le moteur. Les déflecteurs sur l'arrière rappellent l'EB110, tout comme les 5 trous visibles sur le côté. De profil, la ligne est très harmonieuse et l'absence de montant autour du pare-brise donne à cette Centodieci un aspect très futuriste, ce qui est également dû au feu à LED sur les rétroviseurs.
Galerie: Bugatti Centodieci
Contrairement à l'EB110, la Centodieci reste fidèle à la motorisation qui est devenue aujourd'hui la marque de fabrique des Bugatti modernes, à savoir le W16 de 8 litres. Celui-ci est poussé pour l'occasion à 1600 chevaux, grâce notamment à une entrée d'air supplémentaire au niveau du refroidisseur d'huile, qui permet de mieux réguler la température du moteur.
Conséquence de tout cela, elle affiche des chiffres déraisonnables : le 0 à 100 km/h est avalé en 2,4 secondes, elle atteint les 200 km/h en 6,1 secondes, et ne met que 13,1 secondes à franchir les 300 km/h. Comme il nous l'avait déjà dit en mai dernier, Stephan Winkelmann confirme qu'il ne veut plus que ses voitures soient réduites à leur vitesse de pointe, et celle de la Centodieci est limitée électroniquement à 380 km/h. Son poids est de 1975 kilos, soit 20 de moins qu'une Chiron.
Winkelmann admet que la couleur blanche de présentation est totalement volontaire, six mois après La Voiture Noire : "Avec la peinture blanche de l’opération de communication, le contraste avec La Voiture Noire présentée au mois de mars est frappant. Les deux véhicules sont aux antipodes l’un de l’autre tout en étant complémentaires, comme le yin et le yang". Son point commun avec La Voiture Noire ? La Centodieci ne sera livrée à ses clients que dans deux ans, le temps de peaufiner son développement. Et comme Bugatti la veut exceptionnelle, elle ne sera produite qu'à dix exemplaires, pour un prix unitaire de 8 millions d'euros. Le prix d'un hommage à une voiture de légende.