Comme nous vous le rapportions plus tôt cette semaine, Renault chercherait à se séparer de Thierry Bolloré, directeur de la marque, dans le but de clore complètement l'ère Carlos Ghosn. Le Français était en effet l'adjoint de l'ex-PDG, aujourd'hui emprisonné. Nissan a récemment remplacé son PDG, lui aussi issu de la génération Ghosn, et aurait demandé au Losange d'en faire de même. Le président de Renault, Jean-Dominique Senard, aurait donc demandé au Conseil d'administration de prononcer l'éviction de Bolloré lors de sa prochaine réunion.
"La brutalité et le caractère totalement inattendus de ce qui est en train de se passer sont stupéfiants", a déclaré ce dernier, interrogé par Les Échos. "Je suis monté dans un avion à Tokyo mardi soir et en atterrissant à 4 heures du matin à Paris mercredi, j'apprenais par voie de presse que le Président Jean-Dominique Senard, qui jusque-là ne cessait d'affirmer qu'il n'y avait pas une feuille de papier à cigarette entre nous, souhaitait mon départ. J'ai toujours été loyal à son égard. La seule chose que l'on me reproche peut-être, c'est d'avoir été nommé directeur général adjoint début 2018, sur proposition de Carlos Ghosn, à l'unanimité du conseil."
Il espère toutefois que le Conseil d'administration se prononcera en sa faveur, et compte notamment sur le soutien de l'État, qui est actionnaire du constructeur et pourrait décider que les résultats de Renault sont satisfaisants, justifiant la place de Thierry Bolloré en tant que directeur : "Tant que le conseil d'administration de Renault ne s'est pas prononcé, par définition, rien n'a pu être décidé."
"Ce coup de force est inquiétant"
"J'en appelle au plus haut niveau de l'État actionnaire, garant des règles de bonne gouvernance, pour ne pas déstabiliser Renault, fleuron de notre industrie française. Ce coup de force est très inquiétant, il est très important de comprendre les tenants et aboutissants de ce qui se passe au Japon. Sur cette question, j'ai dit aux salariés que je réserve la primeur de notre analyse au conseil d'administration de Renault, donc en premier lieu à l'État."
"Ce qui est en jeu, ce n'est pas ma personne mais l'avenir de Renault et de ses 186.000 salariés. J'ai réuni à trois reprises au cours des derniers mois les 200 premiers managers du groupe et, à chaque fois, la direction que je donne à Renault a reçu le soutien de 99 % de ces managers. Toute ma carrière témoigne de mon attachement passionné aux intérêts industriels français, à Renault et à l'Alliance."
Thierry Bolloré justifie notamment sa place en rappelant que les résultats financiers de Renault sont positifs, le constructeur ayant été "l'un des très rares à ne pas avoir fait de 'profit warning' en dépit du contexte de crise". Il rappelle aussi que les partenariats avec Daimler sur le plan technique, et avec Google et Waymo sur la voiture autonome, se portent très bien, et conclut en s'annonçant innocent dans les difficultés actuelles de Nissan l'Alliance Renault-Nissan : "Sur le plan opérationnel, je ne vois pas où est la faute."