Nos confrères du Parisien ont pu interviewer les deux patrons des groupes les plus importants au monde, Lucas de Meo de Renault Group et Carlos Tavares de Stellantis.
Une rencontre organisée à Versailles (78) où les deux patrons ont pu s’entretenir sur bon nombre de sujets à savoir, la pénurie des semi-conducteurs, le véhicule électrique, la défiance de notre pays envers l’automobile ou encore l’offensive de plus en plus présente du marché chinois.
La France, un pays autophobe ?
Les deux patrons partagent un même point de vue sur ce sujet. Nous sommes dans un pays fondamentalement autophobe et la France n’a pas cette fierté de l’industrie automobile qu’on les Allemands par exemple.
Luca de Meo, patron de Renault déclare : “certaines personnes, parce que conduire aujourd’hui n’est pas facile du tout, parce que dans certaines villes, la densité de population est sans précédent, ont commencé à avoir une aversion pour les voitures. J’ai toujours dit que si les gens commençaient à détester notre produit, c’était 'game over'”, regrette-t-il.

Luca de Meo, le patron du groupe Renault
Un facteur qui pourrait expliquer cette aversion, selon les deux dirigeants, serait alors les villes conçues il y a des siècles ou des décennies et qui ne sont pas adaptées à l’explosion de la mobilité urbaine. Il est vrai que si vous vous aventurez à Paris sur Boulevard de Bonne Nouvelle à 19h un samedi, vous comprendrez alors le décalage.
"Quand on aura que des voitures propres, sûres et abordables, va-t-on continuer à faire pression sur la voiture ?", se sont interrogés Carlos Tavares et Luca de Meo, pour qui la notion de libre circulation doit rester centrale même avec la transition énergétique.
"Nous sommes là pour proposer des solutions, à condition que la société accepte que la liberté de circulation individuelle, familiale et professionnelle reste un élément fondamental de notre mode de vie. Pour débattre de cette question, nous allons créer un forum sur la liberté de circulation ", a annoncé le responsable de Stellantis, auquel Luca de Meo a répondu en déclarant : "si vous voulez, je participerai aussi".
L’électrique est-elle la solution ?
Nous le savons tous, les deux patrons ont pris ces dernières années des positions contre la décision du Parlement européen de ne vendre que des voitures zéro émission en 2035. Carlos Tavares avait alors déclaré que "si les véhicules électriques sont chers, ils seront élitistes, la classe moyenne ne pourra pas y accéder, et nous aurons un problème de stabilité sociale".

Carlos Tavares, le patron de Stellantis
Luca de Meo, lui, est plus optimiste, car il souhaite rendre la voiture électrique plus accessible. Cependant, il déplore le fait que cette décision a été prise dans la précipitation et que personne n’a laissé les constructeurs automobiles développer des plans B ou C avec le moteur thermique.
Carlos Tavares donne son avis sur la cause selon lui d’une échéance si rapide en 2035. Non, ce n’est pas à cause d’un lobby écologiste, mais bien la résultante du Dieselgate de Volkswagen : "Toute la profession a perdu sa crédibilité le jour où cet événement s’est produit avec l’un de nos concurrents allemands. Nous en avons tous payé le prix, et la société aussi".
Une crise des semi-conducteurs jusqu’en 2023 ?
Autre sujet abordé lors de cet entretien, la crise des semi-conducteurs. Cela fait bientôt plus d’un an que l’ensemble du marché de l’automobile est impacté par une pénurie de puce. La crise du Covid-19 en est responsable. Cela donne des délais toujours plus longs lors de la fabrication d’une voiture.
Le patron de Renault à une explication très simple concernant la raison de la pénurie sur le marché automobile. Les fabricants de ces puces se sont concentrés sur les produits a fortes valeurs ajoutées du marché de l’électronique grand public (console de jeux, ordinateur, téléphone...).
Le patron de Stellantis ajoute qu’avec les investissements massifs qu’ont consentis l’Union européenne et les États-Unis pour relancer des filières de production locale de ces composants électroniques, le marché pourrait alors revenir à la normale d’ici trois ans.