La Honda Civic Type R n'est plus à présenter, deux ans après la sortie de la dixième génération de la compacte japonaise, qui s'est de nouveau enorgueillie d'une version sportive au design racé et aux performances impressionnantes, qui lui avaient permis à ce moment-là de prendre le record sur le Nürburgring dans la catégorie des tractions. Celle que nous avions essayé il y a deux ans n'a plus à prouver ses capacités sportives, mais pour les personnes désireuses de l'utiliser au quotidien, fait-elle une bonne voiture de tous les jours ?
Pour répondre à cette question, on a pris le volant de la bête pendant environ une semaine, parcourant pas loin de 2000 kilomètres d'autoroute, de nationale et de route de montagne à son volant. L'objectif : voir comment se comporte sur route cette voiture développée sur circuit, et la mettre à l'épreuve d'un environnement pour lequel elle n'a pas forcément été conçue, mais que Honda revendique comme étant aussi adapté à sa compacte.
'L'effleure' du mal
Le premier constat quand on prend le volant de cette Civic Type R, c'est qu'il va être très difficile de rester sage à son volant, tant la pédale d'accélérateur répond présent dès qu'on l'effleure. Lorsque la voiture est démarrée, faisant vrombir son moteur dans une tonalité rauque et plutôt discrète, elle est automatiquement en mode Sport. Il s'agit là d'un des trois modes de conduite disponibles, le plus équilibré, entre le bien-nommé +R, qui est un mode très sportif, et le mode Comfort, qui essaie de rendre la voiture plus économe, et surtout plus vivable pour les passagers.


Au volant, on est évidemment plus fan des modes sportifs dès lors que l'on veut adopter une conduite sportive ; non pas que la voiture perde de sa superbe, au contraire, elle reste toujours très précise et dynamique, mais le mode Sport ajoute déjà un aspect plus rigide à la voiture. Pour être honnête, cependant, ce mode Sport restera finalement celui que nous aurons le moins utilisé durant les six jours où nous avons conduit cette Civic. Pourquoi ? Parce qu'à vouloir mélanger le confort et les performances, il s'avère sacrifier un peu des deux, face aux capacités réelles de la voiture.
Sur autoroute, on privilégie de toute façon le mode Comfort ; la voiture est moins bruyante, même si elle le reste un peu à 130 km/h, entre le moteur et certains bruits d'air, et la direction moins précise ne se ressent aucunement sur les larges rubans de route aux courbes très légères. D'autant que c'est surtout le meilleur moyen de stabiliser la consommation, qui s'est d'ailleurs retrouvée très légèrement sous les 9 l/100 km en mettant le régulateur à 130 km/h au compteur entre Lyon et Paris, et en se permettant tout de même quelques insertions fulgurantes sur les voies après s'être arrêté faire des pauses.
Taillée pour les courbes
Mais lorsque l'on voit la route se tordre un peu plus devant nous, on ne réfléchit pas trop : On pousse deux fois le levier de sélection du mode, le tableau de bord devient rouge pour nous montrer que la voiture s'énerve, et cela se sent immédiatement dans le volant, avec le durcissement de la direction et des suspensions. Pour tout avouer, c'est bien là que commence la partie la plus amusante de la conduite de cette Type R, qui s'est avérée redoutable sur les routes de la Savoie.
Le premier constat qui frappe lorsque le mode +R est activé, c'est la précision du train avant. La voiture fait exactement ce qu'on lui dit, et la facilité à placer la voiture dans les courbes en est presque déconcertante. Mais cette précision ne serait rien sans la qualité du train arrière, qui est capable de suivre sans problème ce que lui dictent les roues motrices. Outre les suspensions rigides et un châssis parfaitement équilibré, on en vient rapidement à se dire que ce gros aileron, qui nous semblait exagéré, n'est pas là pour rien.


En dépit de l'absence des envolées lyriques que proposait l'ancien 2.0 litres i-VTEC atmosphérique, le moteur s'exprime de manière très vocale dans les tours et réagit parfaitement. Honda a développé un système appelé 'mode talon-pointe automatique', qui permet à la voiture de reprendre du régime immédiatement après un changement de rapport, sans creux dans le changement de vitesse. Lié à la précision de la boîte à six vitesses, ce système rend l'enchaînement des courbes très fluide, et la voiture ne perd jamais en rythme, offrant un couple toujours aussi présent. Mais il serait injuste de décrire les capacités routières de cette sportive sans aborder les freins, et le travail impeccable effectué par les étriers Brembo à 4 pistons pour avoir du mordant lorsque l'on écrase la pédale centrale.
Avec cette voiture, chaque virage est un amusement, et chaque ligne droite est un pousse-au-crime qui nous force à calmer nos ardeurs pour ne pas dépasser des limitations de vitesse, beaucoup trop rapidement atteintes. Mais il faut bien l'admettre, un tel rythme sur les routes est impossible à tenir avec des passagers dans la voiture, qui ne tarderont pas à vous réclamer le mode Comfort, usés en quelques minutes par la conduite dynamique et la fermeté des suspensions en mode +R.
Une Civic (presque) comme les autres
C'est finalement en passant sur le mode le plus doux et en conduisant la voiture de manière bien moins incisive, et en prenant toujours autant de plaisir à son volant, qu'on en arrive à la grande question de cet essai longue durée : peut-on rouler tous les jours avec une Honda Civic Type R ? Et si l'on parle de confort, mais surtout d'adaptabilité à la route, la sportive s'avère être un vrai caméléon.
Pour un conducteur passionné d'automobile, être au volant d'une telle machine ne peut qu'être satisfaisant. Outre les considérations de puissance et de plaisir au volant, ce qui s'avère aussi très frustrant sur route ouverte tant on a l'impression de sous-exploiter la voiture, cette Civic est très agréable en toutes les circonstances. Lorsque l'on est installé à la place du conducteur, la position de conduite est très facile à trouver et les sièges baquets, utiles lorsque l'on prend les virages de manière plus sèche, apportent une stabilité et un confort étonnants. En termes de confort, c'est évidemment légèrement plus dégradé pour les deux passagers arrière.

Toute l'instrumentation tombe facilement sous la main et le système d'info-divertissement fait le job, surtout grâce à Android Auto et Apple CarPlay, en dépit d'un affichage quelque peu daté de la partie navigation. L'Alcantara est largement présent dans l'habitacle, tout comme la couleur rouge, qui nous met irrémédiablement dans un environnement sportif mais luxueux. Les places arrière sont plutôt vastes, et le fait que la berline compacte mesure 4,56 mètres de longueur lui confère une habitabilité et un volume de coffre (420 litres) suffisants pour quatre personnes.
Le cœur a ses raisons que la raison ne doit pas ignorer
Reste que cette Honda Civic Type R est une véritable sportive, et que son plus gros défaut est cette manière dont elle vous donne envie d'aller chercher ses limites, qui sont encore une fois bien plus hautes que ce qui est autorisé sur route ouverte. Le 4 cylindres turbo de 2.0 litres développe en effet 320 chevaux et 400 Nm de couple, il permet à la bête d'atteindre 272 km/h et d'avaler le 0 à 100 km/h en seulement 5,7 secondes.
Mais pour les gros rouleurs ou les personnes déraisonnables (le phénomène empirera donc si vous êtes les deux), posséder cette Type R au quotidien demande surtout un budget conséquent. En mode +R et avec une conduite sportive, la consommation atteint rapidement les 12 l/100 km, et l'on se doute que la durée de vie des pneus et des freins doit être réduite en conséquence. Avec une telle conduite, les émissions polluantes justifieront aussi les malus que ce genre de voiture s'apprête à recevoir dans les prochaines années, avec des chiffres s'élevant déjà à 178 g/km de CO2 en cycle WLTP.
Une solution alternative peut consister, là encore moyennant un certain budget, à l'emmener de temps en temps sur un circuit pour lui dégourdir les roues et évacuer cette frustration de ne pas rouler à un rythme qui semble facile à atteindre. Restera alors le plaisir de la conduire au quotidien, la satisfaction d'avoir une voiture hors du commun qui attire les regards sans être trop tape-à-l'œil, et la passion qu'un tel véhicule crée irrémédiablement lorsque l'on s'assoit à son volant. Car même si, avec le temps, l'envie d'être déraisonnable doit s'estomper, il est difficile de penser que l'on puisse finir par s'en lasser.