Cette année encore, Rétromobile sera le théâtre d’une vente aux enchères exceptionnelle sous la houlette de la maison parisienne Artcurial Motorcars proposant pas moins de 154 véhicules, de la petite automobile populaire à la voiture de course au riche palmarès, de l’ancêtre au youngtimer. Avant d’en connaître les résultats au soir du 10 février prochain, Motor1 a rencontré le sémillant directeur général d’Artcurial Motorcars, Matthieu Lamoure, afin de mieux comprendre comment lui et son équipe parviennent à réunir régulièrement les joyaux qu’ils proposent aux collectionneurs mais aussi d’écouter la voix d’un passionné.

 

Matthieu Lamoure, quelle est votre définition d’un véhicule de collection ?

À mon sens un véhicule rentre en collection à partir du moment où sa cote ne descend plus et qu’un véhicule commence à être recherché. À l’heure actuelle, cela peut concerner par exemple la Citroën CX, des séries spéciales de Mini…

Comment parvenez-vous à trouver les voitures que vous proposez aux enchères ?

Beaucoup de personnes nous appellent pour nous proposer leur véhicule. Le rendez-vous de Rétromobile étant devenu le plus important de l’année, les vendeurs ont pris le réflexe de nous contacter parce qu’ils préfèrent souvent vendre leurs véhicules dans ce cadre. Ils connaissent la bonne ambiance qui y règne car les gens présents dans l’assemblée restent jusqu’à la fin de la vente, jusqu’au dernier lot ; nous avons affaire à un public de passionnés et d’amateurs au bon sens du terme. Nous avons également constitué au fil du temps un important réseau que nous entretenons notamment à travers les différents événements – salons, courses, concours d’élégance, etc. – auxquels nous participons tout au long de l’année. Et puis nous sommes souvent en voyage, tout simplement pour aller voir les véhicules mais aussi à la rencontre des collectionneurs.

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Combien de personnes vous entourent dans cette tâche ?

L’équipe d’Artcurial Motorcars est petite comparée à celles des autres maisons de vente. Nous sommes quatre spécialistes plus le personnel administratif. J’ai l’habitude de la définir comme une "famille professionnelle" dont la figure tutélaire demeure pour moi Maître Hervé Poulain (président d’honneur du groupe Artcurial SA et grand passionné d’automobiles – ndlr). Je dois aussi mentionner Pierre Novikoff avec lequel je travaille en binôme.

Quels ont été les moments forts de votre carrière ?

Sans aucun doute la découverte de la collection Baillon (le transporteur Roger Baillon avait caché dans son domaine des Deux-Sèvres des véhicules qui furent retrouvés dans un état de délabrement parfois avancé et qui furent vendus aux enchères par Artcurial Motorcars en février 2015 – ndlr), que nous avons découverte il y a trois ans grâce à un coup de fil ! Lorsque nous sommes arrivés sur place avec Pierre Novikoff ce fut un véritable choc ; on ne vit probablement ça qu’une fois dans une vie. La vente en février 2016 de la Ferrari 335 Sport Scaglietti de 1957 provenant de la collection Pierre Bardinon a également une saveur particulière pour la simple et bonne raison que je me suis battu pour l’avoir (l’auto a été adjugée 32,1 millions d’euros, ce qui constitue le record du monde absolu pour une vente aux enchères, en euros mais aussi en pounds – ndlr). En réalité, je vis chaque vente aux enchères comme un événement extraordinaire d’autant que chacune représente un nouveau départ, une sorte d’examen à passer.

Artcurial

Justement, comment parvenez-vous, malgré tout, à vous renouveler ?

Cela nécessite de travailler longtemps en avance. Tel a été par exemple le cas de la collection du couple Hervé et Martine Ogliastro qui sera proposée dans le cadre de l’édition 2017 de Rétromobile. Hervé Ogliastro nous avait prévenu il y a trois ans qu’il serait prêt à s’en défaire en 2017. Il convient aussi de toujours s’attacher à trouver les qualités particulières d’une voiture à laquelle nous avons affaire. Notre métier revêt un aspect marketing non négligeable et d’ailleurs passionnant. Ce qui fait la qualité d’un véhicule c’est à la fois sa provenance, son état, son palmarès – pour une voiture de compétition – mais aussi son histoire. Que celle-ci soit limpide constitue toujours un plus ; qu’elle soit associée à une figure célèbre également. Les gens achètent des traces ; ils s’offrent une histoire. On dit souvent qu’on vend une provenance, un état, une histoire, un palmarès et qu’on offre une voiture avec !

Ce qui fait la qualité d’un véhicule c’est à la fois sa provenance, son état, son palmarès – pour une voiture de compétition – mais aussi son histoire.

Comment se porte selon vous le marché actuel du véhicule de collection ?

Ces quinze dernières années, il a connu une croissance véritablement exponentielle et avait même littéralement explosé depuis cinq ans. Récemment, une accalmie a été ressentie. De mon point de vue, on arrive à une certaine stabilité qui va assurer sa pérennité. Les prix sont à la fois hauts et assez justes ; ils récompensent toujours l’exceptionnel. Les collectionneurs sont aujourd’hui très avertis : ils se renseignent beaucoup sur ce qu’ils vont acheter ; ils ont gagné en connaissance.

De quels horizons proviennent les collectionneurs ?

Il faut tout de même être passionné pour acquérir des véhicules de collection. Parce qu’une voiture, notamment en raison de sa mécanique, peut s’avérer capricieuse.

Venons-en si vous le voulez bien à la vente qui s’effectuera dans le cadre de Rétromobile 2017. Quels sont de votre strict point de vue de passionné les modèles les plus remarquables ?

Il faut d’abord souligner que pratiquement la moitié des lots est présentée sans prix de réserve, ce qui signifie que les propriétaires nous font confiance et qu’ils ont confiance dans le marché. Ils savent que nous disposons du réseau nécessaire pour atteindre des prix élevés, puisque notre mission consiste à vendre sous mandat le plus cher possible un véhicule.

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Cette année, pour la vente de Rétromobile, je ne peux passer sous silence la Dino Berlinetta Speciale de 1965 qui est certainement l’un des plus beaux prototypes de l’histoire de l’automobile. Dans la collection Ogliastro, je choisirais personnellement la Talbot Lago T150C de 1936 qui a couru les 24 Heures du Mans à quatre reprises. De tous les essais que j’ai eu la chance d’effectuer, c’est à ce jour celui qui m’a le plus marqué. Cette Talbot dispose d’un souffle, d’une puissance et d’un son extraordinaires. J’invite d’ailleurs les collectionneurs à ne pas seulement penser aux youngtimers (voitures des années 70 et 80 – ndlr) mais aussi aux voitures d’avant-guerre qui prodiguent des sensations de conduite uniques. Nous avons aussi plusieurs Citroën, notamment des 2 CV qui ont seulement 100 kilomètres ou une CX 2400 Prestige C-Matic. Parmi les autres lots figurent aussi un duo de Mercedes 300 SL (un coupé "papillon" et un roadster), une Lamborghini Miura SV qui n’a eu que trois propriétaires, une Renault Clio Williams qui affiche seulement 20 000 km au compteur. Je suis aussi assez sensible à plusieurs voitures de stars, notamment à la Renault R5 Turbo Groupe 4 ex-Ragnotti, à la Porsche 911 Turbo 3.3L de Sébastien Loeb, à la BMW M5 de Didier Pironi ou encore à la Cadillac Série 62 Cabriolet Custom par Boyd Coddington qui appartient à Johnny Hallyday.

Photos : D.R./Artcurial

Galerie: Artcurial Rétromobile 2017