Comme bon nombre de constructeurs, Honda a été séduit par les opportunités marketing offertes par le nouveau championnat WTCR, qui s'est élancé les 7 et 8 avril dans les rues de Marrakech.
Avec 25 voitures au départ − l'organisateur a posé cette limite de nombre de concurrents réguliers sur la saison −, le tout nouveau WTCR (World Touring Car Cup, Coupe du monde de Supertourisme) a plutôt fière allure. Si les équipes d'usine sont désormais proscrites par le nouveau règlement, l'on trouve de nombreux représentants de constructeurs dans le paddock, puisque plusieurs marques ont misé gros sur la formule, via leur département compétition clients.
Ainsi, Hyundai, Honda, Peugeot, Audi, Volkswagen ou Cupra (les deux Alfa Romeo engagées en WTCR font l'objet d'une initiative privée), conscients des enjeux commerciaux du nouveau championnat – plus de 200 voitures de TCR ont été vendues pour les différents championnats éligibles à travers le monde -, avaient dépêché plusieurs de leurs ingénieurs et autres responsables sur la manche d'ouverture du WTCR à Marrakech afin de soutenir leurs équipes clientes.
La compétition, "l'ADN de la marque Honda"
Pour Honda, la présence en WTCR demeure évidente, la marque nipponne comptant une longue tradition sportive, et une histoire particulièrement ancienne en supertourisme comme l'a expliqué Christophe Decultot, le Vice-Président de Honda France, à Motor1.com. "Depuis 70 ans que Honda existe, c'est dans l'ADN de la marque d'être présente en compétition, sur deux ou quatre roues", indique ce dernier. "Si l'on regarde tous les championnats internationaux qui existent, auto ou moto, tous confondus, je pense que Honda est le constructeur le plus impliqué."
"Quant au WTCR plus spécifiquement, il y avait un vrai intérêt par rapport à la Civic", continue Christophe Decultot. "Le modèle Civic est un peu le cœur de la gamme Honda automobiles notamment en Europe. C'est un modèle mondial, mais en Europe, c'est un modèle clé. C'est lui qui a forgé l'image de Honda en Europe, même si aujourd'hui la gamme s'est élargie avec des SUV, etc."
"Faire la promotion de la Civic, c'est stratégique, surtout en Europe puisque c'est un véhicule qui est produit en Europe [dans l'usine de Swindon, en Grande-Bretagne, NDLR]. Pour le public aussi, ce sont des voitures qui sont proches de la voiture de Monsieur tout le monde. On retrouve un environnement, et des choix techniques assez judicieux dans ce championnat."
"La présence de Honda en supertourisme créé une dynamique commerciale et une crédibilité autour de la Type R".
"Le WTCR constitue de surcroît une série particulièrement relevée. De plus, les coûts sont maîtrisés, les prix sont capés, ce qui devrait éviter la course à l'armement, c'est sportivement intéressant."
"Nous sommes engagés dans cette série depuis que l'on a redéveloppé un nouveau modèle Type R, qui est un concentré de sportivité affirmé, dans le design et les performances. Il s'agit d'une voiture décomplexée. À l'heure du politiquement correct, c'est une bouffée d'oxygène. Il y a un vrai lien, la présence de Honda en supertourisme créé une dynamique commerciale et une crédibilité autour de la Type R."
"En interne aussi, notre présence en compétition nous anime, avoir des produits comme celui-ci nourrit notre fierté, car Honda est une marque de passionnés."
Un changement de réglementation bienvenu
Pour mémoire, Honda a profité du lancement de la neuvième génération de la Civic (en 2011) pour monter un programme en WTCC à partir de la fin 2012. Un programme mené conjointement avec son partenaire compétition en Europe, l'équipe milanaise du JAS Motorsport, sur la base de la Type R en version S2000, l'ancienne réglementation en vigueur à l'époque.
En 2014, le WTCC passait à la réglementation TC1 (puissance moteur accrue, voies élargies, package aérodynamique plus imposant), et la Type R se métamorphosait en conséquence, avant de revenir à des bases plus proches de la série en 2018 avec la réglementation TCR, et le nouveau championnat WTCR, pour lequel JAS Motorsport a assuré seul le développement de la voiture, et son exploitation commerciale auprès des équipes privées.
"Honda a accueilli avec enthousiasme ce changement", explique William de Braekeleer, le directeur de la compétition de Honda Europe, à Motor1.com. "Nous étions déjà impliqués en championnat du monde en tant que constructeur avec le WTCC jusqu'à l'an passé, et en parallèle, il y avait ce programme client avec le TCR qui existait déjà – par le biais de l'équipe JAS, responsable du programme TCR Honda -, et dans lequel nous sommes rentrés dès le début puisque la Honda Civic était l'une des premières voitures homologuées pour le TCR, et elle a rencontré beaucoup de succès avec plus de quinze titres toutes disciplines TCR confondues."
"2017 était de toute façon notre dernière année en WTCC, quelque part, c'était bien tombé. Ceci était acté dans la mesure où il était acquis que, il y avait peut-être encore éventuellement une extension de la réglementation TC1 pour un an, mais ensuite c'était terminé. En 2017, nous avions déjà lancé la dernière génération de la Civic, et il s'agissait déjà d'une année de transition puisque nous faisions rouler en WTCC une voiture qui n'était plus commercialisée, et d'office cela n'avait plus de sens de continuer une année de plus avec cette voiture-là. Et cela n'avait pas de sens non plus de développer une toute nouvelle voiture pour seulement un an."
La F1 et le supertourisme, deux axes forts de présence en compétition automobile
Si Honda investit des sommes colossales en Formule 1 − avec plus ou moins de réussite −, le supertourisme constitue également un autre axe fort du programme sportif de la marque japonaise, qui a depuis longtemps saisi l'intérêt marketing de mettre en piste des "vraies" voitures. Deux approches différentes de la course, mais non moins complémentaires.
"C'est ce qui nous plaisait dans la formule précédente du TC1", continue William de Braekeleer. "Malgré le fait que ces voitures faisaient l'objet de davantage de développement, cela restait des vraies voitures, et non des prototypes déguisés en voitures de tourisme. Cela a toujours été notre philosophie chez Honda."
La Formule 1 pour former les ingénieurs, le supertourisme pour promouvoir la Type R.
"Il y a bien sûr toujours la course 'prototype' où l'on va démontrer tout notre savoir-faire : la Formule 1 sert à développer les capacités de nos ingénieurs. Des ingénieurs qui, après la Formule 1, retourneront dans les bureaux d'études pour développer les modèles Honda du futur. La philosophie est la même pour la moto, et les ingénieurs du Moto GP."
"Tout ce qui est en-dessous de ces deux formules 'prototypes', est basé sur des voitures de production. Ici, il y a un double intérêt avec le WTCR : cela permet encore un meilleur contact avec le client, qui reconnait davantage sa voiture, et cela nous permet d'avoir beaucoup plus de contacts avec des équipes clientes, et de développer l'image sportive dans différents milieux."
"C'est une belle opportunité d'accroître la visibilité de la voiture. Certains marchés en ont un peu plus besoin, notamment en Europe où nos moyens marketing sont limités car on fait tout de même des volumes raisonnables qui font que toute visibilité se fait à bon marché, voire gratuite. Malgré tout, nous aidons JAS à fournir un support clients ici en WTCR, comme tous les constructeurs le font."
"Nous ne sommes pas impliqués dans le côté commercial du TCR, car c'est JAS qui est notre distributeur officiel, ce sont eux qui gèrent ça, ils ont développé la voiture avec leurs propres ressources", ajoute-t-il. "Maintenant ils fournissent des pièces détachées aux équipes, ce sont eux qui font le profit pour les pièces, c'est comme cela qu'ils équilibrent leurs comptes. Il est clair que, plus il y a de voitures, plus vous augmentez votre potentiel de chiffre d'affaire en pièces."
Les Civic Type R TCR attendent leur heure
Lors de la première étape du WTCR à Marrakech, les Honda Civic Type R TCR ont toutefois été surclassées par les Hyundai i30 N TCR, lesquelles se sont adjugées les deux pole positions du week-end (la première pour Gabriele Tarquini avec le BRC Racing Team, la seconde pour Thed Björk et le Yvan Muller Racing), avant de remporter deux des trois courses marocaines avec le même Tarquini.
Un avantage de performances pour les Coréennes également liées à la Balance de Performance, un système visant à équilibrer artificiellement les performances des différents modèles en imposant des ajustements techniques (poids, puissance moteur), lesquels ayant été définis par les responsables techniques du WTCR avant la manche d'ouverture.
Freinées par la BoP
"On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre", conclut William de Braekeleer. "Malheureusement, la BoP, c'est très bien pour le spectacle, mais cela demande davantage d'explications et de communication marketing. Comment expliquer que la Type R, le haut de gamme ultra sportif de chez Honda, au sujet de laquelle la presse est tellement élogieuse, ne soit pas plus devant ? Avec la BoP, nous sommes la seule marque à avoir dû réduire notre puissance puisque nous ne pouvons actuellement rouler qu'à 97% de la puissance, alors que certaines marques peuvent rouler à 102%. C'est une frustration, pas une plainte car cela fait partie des règles du jeu."
"Mais il y aura également le système de lests de compensation, qui permettra de corriger les éventuelles différences entre les modèles."
À partir de la prochaine course en effet, sur le Hungaroring de Budapest, la Balance de Performance sera revue au vu des performances enregistrées lors du meeting d'ouverture de Marrakech. Et les Honda devraient cette fois être en mesure d'aller disputer la victoire. Et la Civic Type R pourra briller en course, comme elle se distingue déjà sur la route.