L'année 2019 aura décidément été très compliquée pour Renault, indépendamment de ce qu'il se passera au deuxième semestre de celle-ci. En délicatesse autour de l'affaire Carlos Ghosn depuis la fin d'année 2018, et la première inculpation de son désormais ex-PDG, la marque avait mis du temps à se désolidariser du milliardaire. Les prémices d'un certain manque de leadership qui se remarque depuis les changements effectués à sa tête, et qui ressortent récemment avec la fusion proposée par Fiat Chrysler Automobiles, ainsi que dans les tensions avec Nissan

Deux points reviennent régulièrement dans ces problème soulevés : les difficultés de Jean-Dominique Senard dans son rôle au sein de l'alliance, et la trop grande présence de l'État français dans le groupe, qui semble agacer Nissan comme elle a pu dissuader FCA, qui a finalement retiré son offre. Pour être précis, c'est l'hésitation du Conseil d'administration de Renault qui a fait peur à Fiat, mais celle-ci a largement trouvé ses sources dans la présence du gouvernement au sein de sa prise de décision.

Après le retrait de l'offre de FCA, le gouvernement et en particulier le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a assuré que l'État était prêt à réduire sa participation dans le groupe, qui se porte pour le moment à hauteur de 15 %. C'était déjà une idée avancée lorsque FCA a proposé une fusion à 50/50, où l'importance de l'État était déjà vue comme un des points à changer afin que chacun puisse s'épanouir dans cette potentielle relation, qui est finalement tombée à l'eau.

Désaccords sur la nomination d'administrateurs

Renault et Nissan, dont l'alliance est désormais au centre des attentions afin de la renforcer, même si le clan nippon a refusé l'idée d'une fusion, essaient tant bien que mal de repartir du bon pied après une série de tensions liées à une vision différente de l'avenir du groupe qu'ils forment. Seulement, un nouveau point pourrait désormais venir refroidir le timide réchauffement entrevu après l'arrêt des discussions avec Fiat Chrysler Automobiles.

En effet, le Losange menace de bloquer une réforme de la gouvernance de Nissan, comme l'a indiqué Jean-Dominique Senard, successeur de Ghosn, dans une lettre où il informe le directeur de Nissan qu'il veut s'abstenir de voter une des résolutions de l'assemblée générale des actionnaires, qui doit se tenir le 25 juin. Le constructeur japonais, qui a révélé cette lettre, a qualifié ce choix de décision "extrêmement regrettable".

La résolution en question est la mise en place de trois comités concernant les nominations, les audits et les rémunérations, permettant de renforcer la transparence et éviter ainsi de nouvelles affaires similaires à l'affaire Ghosn. Renault, qui est principal actionnaire de Nissan avec 43,4 %, condamne cette réforme qui tient pourtant à cœur à son partenaire dont le directeur, Hiroto Saikawa, a exprimé son étonnement alors que Senard avait déjà approuvé, comme les autres administrateurs, cette création de comités.

"Régler les difficultés et les malentendus"

Selon le Financial Times, qui a révélé l'existence de la lettre, explique que le demi-tour effectué par Jean-Dominique Senard aurait été effectué par crainte de voir les administrateurs, indépendants des deux marques, réduire l'influence de Renault. Et toujours selon ces rumeurs, l'alliance vacillerait depuis le départ de Carlos Ghosn, qui aurait grandement affaibli la confiance mutuelle que se portaient les deux constructeurs.

Face à cette méfiance entre les deux marques d'une alliance pourtant très puissante, Bruno Le Maire n'a pas voulu réagir. Le ministre était en visite à Tokyo après le G20 mais a jugé que "c'est à la direction de Renault et à la direction de Nissan de trouver des solutions" afin de "régler les difficultés et les malentendus au plus vite". Pour cela, il a assuré que dans le camp français, Jean-Dominique Senard avait "la confiance de l'État français".

Nommé il y a quatre mois à la barre du navire pour piloter l'alliance après qu'elle s'est retrouvée sans leader, Jean-Dominique Senard semble avoir du mal à rassembler et c'est pour cela que Bruno Le Maire a assuré ne pas vouloir à tout prix d'une fusion, que refusent toujours les japonais. Il a également rencontré le ministre japonais de l'Industrie, Hiroshige Seko, dans le but de rétablir la confiance entre les deux camps, encore une fois en ayant à l'esprit le "renforcement de l'alliance".

Mais c'est Nissan que l'État va devoir rassurer, puisque leur participation dans le groupe Renault est actuellement similaire. Le gouvernement français propose de la diviser par deux, mais Nissan préférerait un désengagement total. Une hypothèse balayée d'un revers par le ministre français : "Chacun doit comprendre que cette participation est l'héritage d'une longue histoire entre Renault et la nation française, cet héritage pèse."

Rénover les fondations avant de rebâtir

Alors que Jean-Dominique Senard peine à reprendre les rênes de l'alliance et à renforcer celle-ci, Bruno Le Maire a assuré qu'une fusion avec FCA ne se serait jamais faite sans l'accord de Nissan. Car c'est bien l'un des gros reproches effectués par le constructeur japonais à son allié, de n'avoir pas pris la peine de l'informer de l'offre reçue par le géant italo-américain avant d'annoncer publiquement que la proposition allait être étudiée.

En attendant, c'est l'avenir de l'alliance qui est en péril et le groupe Renault va devoir apaiser les tensions dans son propre camp. Compte tenu du peu de concessions que Nissan semble être prêt à faire, spécialement après avoir pris la mouche au sujet de la fusion demandée par Renault et des discussions avec FCA, Renault doit impérativement se rapprocher de nouveau de son allié, ce qui pourrait au passage faire oublier le récent échec.

Quant à Jean-Dominique Senard, il peine à faire oublier que le rôle de Carlos Ghosn était aussi de gérer les relations entre deux constructeurs opposés dans leur philosophie et leur géographie. Rendons à l'ancien tycoon ce qui lui appartient, il remplissait ce rôle à la perfection, et avait l'avantage de le faire à une époque où les relations n'étaient pas refroidies. En plus de reprendre le flambeau d'un Ghosn qui garde une certaine crédibilité sur sa gestion politique, le nouveau management doit aussi composer avec un climat politique et social tendu au sein du groupe, qu'il va falloir apaiser avant de vouloir le développer.

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