2013 - 2018. Cinq longues années se sont écoulées depuis qu’Aston Martin et Mercedes-AMG ont signé un partenariat technique. Portant dans un premier temps sur toute l’électronique, il a d’abord permis à la DB11, apparue en 2016, de faire correspondre son nouveau design ultra-moderne (et à couper le souffle !) à ses entrailles, beaucoup plus en phase avec l’air du temps. Et puis le V12 5,2 litres biturbo a également bénéficié de l’expertise d’Affalterbach.
Mais la seconde phase, c’est celle de la transplantation d’un moteur 100% AMG dans une Aston Martin. Et c’est encore la DB11 qui joue les premières de cordée en troquant ses 12 cylindres pour le V8 4.0 biturbo qui fait des merveilles sur les Mercedes-AMG GT, GT S, GT R…Entre autres ! En attendant de nous installer dans le baquet de la sportive Vantage millésime 2018 qui s’offre le même bloc, nous avons été invités à nous échapper dans cette Aston Martin DB11 V8 bipolaire : conserve-t-elle plutôt l’esprit Grand Tourisme de la DB11 V12 ou la sportivité brutale de la cousine germaine prend-elle le pas ?
Le diable se cache dans les détails
Sans refaire tout l’article sur l’absolue réussite du coup de crayon de Marek Reichman et de ses équipes du design, la DB11 fait autant tourner les têtes dans cette version V8 que pour la V12. La DB11 reste un oiseau rare, d’une élégance folle, un cas d’école qui devrait être étudié dans les facultés d’art pour ce qu’elle représente de mariage parfait entre nonchalance et agressivité, assurance et discrétion, modernité et passé glorieux… Quel que soit l’angle, elle subjugue. Et dans la circulation parisienne, donne des torticolis à tous ceux qui ont la chance de croiser son chemin.


À quoi bon toucher ce qui plaît tellement à l’extérieur sous prétexte que ce qui ne se voit pas, à moins évidemment de soulever le capot réalisé en une seule pièce d’aluminium, a été changé ? C’est ainsi que la DB11 V8 reste identique à sa grande soeur V12. Exception faite des ouïes sur le capot : il n’y en plus que deux, et non plus quatre. Ah oui, et les optiques en boomerang arrière sont fumées, et non plus rouges. Et c’est tout. Ouf !
Un dernier mot sur cette couleur "Divine Red", un bordeaux profond, rehaussée de paillettes. Difficile de faire plus élégant.


Salon anglais
Pour ce qui est de l’habitacle, on a toujours cette impression de rentrer dans un salon anglais à bord de cette DB11. C’est cosy, c’est chic, sans trop en faire. La douce senteur du cuir pleine fleur s’immisce dans vos narines subtilement. Le bois qui entoure la console centrale se caresse du regard. Les larges sièges enveloppants vous accueille comme dans un canapé. On est bien. On est très bien. Et le rappel de la couleur extérieure avec ce cuir Balmoral, en rouge "Chancelor", qui s’étale du volant aux sièges, du pare-brise arrière à l’intégralité de la plage arrière en passant par l’accoudoir central, les contreforts de portes, et le pavillon de toit, est remarquable. S'il y avait une remarque à faire, aussi pointilleuse soit-elle, le cuir se réfléchit juste un peu trop dans les pare-brise avant et arrière quand il y a du soleil.


Mercedes s’immisce aussi à l’intérieur de cette DB11 V8 en fournissant l’intégralité du système d'infodivertissement. Les "mercedistes" ne seront pas dépaysés. Mais c’est loin d’être le plus optimal du marché. Il a tout ce qu’on demande. Mais la navigation via le pavé tactile et la molette n’est pas des plus facile. Quant aux raccourcis sur la planche de bord, pour accéder directement à la radio ou à la navigation, ils sont perdus au milieu d’une nuée de boutons qui, bien que tactiles, sont à contre-courant de la simplification des planches de bord. Allez, osons : c’est le bordel !
En revanche, pour ceux qui se demanderaient si on peut partir avec un bébé, la réponse... est oui ! Il y a bien des attaches Isofix à l'arrière, plutôt adaptées à un siège face à la route pour un enfant de quelques années déjà. Mais les places arrière, de dépannage surtout, ou très pratiques pour ajouter un sac de voyage ou deux qui ne seraient pas rentrés dans le coffre, permettent d'accrocher un siège bébé dos à la route. Quelques contorsions sont nécessaires. Quelques gouttes de sueur y restent. Mais une fois qu'on a la technique, le bébé est bien installé ! Pour le siège passager avant en revanche, il faut faire quelques concessions sur la décontraction, et s'avancer au maximum... C'est quand même bon à savoir !

Transplantation réussie
Alors Aston Martin a-t-il vendu son âme au diable en optant pour ce V8 signé AMG ? Sur le papier, non. On sait ce qu'est capable de faire ce moteur sur les productions à l’Étoile. Et les performances sont au rendez-vous. La belle Anglaise n'a donc aucune raison de faire un rejet de greffon. Au contraire même ! Si le V12 s'avère très onctueux, sa mélodie orgasmique, et ses envolées sportives en rapport avec les 610 ch sous le capot, avec le V8 la DB11 s'offre un supplément d'âme. Une tempérament plus sportif. Attention, toujours dans la philosophie Grand Tourisme !
Un petit mot sur le bruit de ce V8. Presque un peu trop discret en mode normal, étouffé, il suffit de passer en mode Sport pour que les canules laissent s'échapper un bruit plus "astonmartinesque". C'est rauque. Au ralenti, ça grommelle presque comme un gros hors-bord.


Les chiffres parlent d'eux-même : avec 98 chevaux de moins en V8 qu'en V12, 510 ch contre 608 ch, la différence niveau performances n'est que d'1 dixième de 0 à 100 km/h. 3,9 secondes pour le V12. 4 secondes pour le V8 AMG. C'est imperceptible. En revanche, les 115 kilos en moins sous le capot se ressentent immédiatement à la conduite. Ce n'est pas vrai dans la circulation citadine, où la voiture se montre aussi souple et facile à vivre, si ce n'est peut-être l'appréhension de l'immense capot, notamment grâce à une boîte auto à 8 rapports qui fait des merveilles. Ni sur autoroute d'ailleurs où la DB11 est un rail, une GT confortable qui permet d'enchaîner les kilomètres dans un confort "pullman". En revanche, dès que le pied droit peut enfin se dégourdir à la vue de routes qui donnent envie de faire gronder le V8, cette DB11 se montre beaucoup plus encline à élever le rythme.
L'avant se place là où on lui dit d'aller. La direction est franche est directe. Les relances de la boîte ZF, d'un coup de palette derrière le volant, catapultent la belle anglaise. Ça pousse jusqu'à 7000 tr/min facile. Mais attention à garder la tête froide. Là où l'AMG GT qui prête le moteur est taillée pour ce genre d'exercice avec une rigueur toute germanique, la DB11 n'arrive pas à cacher son poids. Le réglage des suspensions fait également légèrement sautiller l'arrière dès que la chaussée se déforme. Mais c'est quand même largement de quoi se dégourdir l'esprit et afficher un large sourire !

Conclusion
Pour ceux qui crieraient au scandale suite à la transplantation de ce V8 d'origine allemande sous le capot de cette noble anglaise, la DB11 V8 répond de la meilleure des manières. Avec un charisme qui rien ne semble pouvoir atteindre. La ligne à couper le souffle n'est pas modifiée. Son confort de routière au long court non plus. Et son aptitude à bondir à la moindre sollicitation plus en adéquation avec son physique de félin. Une plus grande homogénéité qui n'entache en rien la philosophie de GT. Au contraire. La symphonie en 12 cylindres en moins.

Autre argument qui peut fait pencher la balance en sa faveur, la différence de prix entre les deux versions : 25'000 € ! L'Aston Martin se négocie en effet à partir de 185'000 €, contre plus de 210'000 € pour la DB11 V12. Et même si à ces niveaux de tarifs, on peut imaginer que les acheteurs ne se soucient guère de ce genre de détail, rien en semble justifier une telle différence tarifaire entre les deux modèles ! Mais si c'est comme chez Ferrari qui, sur la GTC4Lusso propose également le choix entre 8 et 12 pattes, c'est quand même la noblesse du V12 qui risque de l'emporter. Ou quand les sentiments l'emportent sur la raison.
Pour ceux qui ne sauraient pas choisir entre DB11 V8 et DB11 V12, une troisième possibilité est offerte : la DB11 Volante ! Et là, Aston Martin vous évite tout choix cornélien : c'est V8... ou rien !
Photos : Mael Pilven / Motor1.com - Aston Martin
Galerie: Essai Aston Martin DB11 V8
Aston Martin DB11 V8 (2018)