Pour Peugeot, 2018 marque à la fois le lancement de la nouvelle 508 et les 50 ans de la 504. Une naissance capitale et un anniversaire symbolique la même année, cela méritait bien un petit événement commun, quelque chose mettant en lumière les points communs autant que les différences de ces deux filles d'une même famille. C'est précisément ce qu'a fait la marque au lion, qui nous a invités à prendre le volant de la fringante 508 et de la vaillante 504 en Franche-Comté, dans le berceau de la famille Peugeot.
Rencontre intergénérationnelle
Autant la famille de la 508 est peu nombreuse, avec simplement une berline et un break, autant celle de la 504 est du genre bien développé, avec là aussi une berline et un break, mais aussi un pick-up, un coupé et un cabriolet. Pour ce road trip, Peugeot n'a pas retenu toutes les déclinaisons de la 504, mais un trio de choc comprenant une berline GL de 1974, un cabriolet V6 de 1977 et un coupé V6 de 1983. La jeune lignée des 508 était, elle, représentée par trois exemplaires, une BlueHDi de 180 ch, une PureTech de 180 ch et une autre PureTech de 225 ch.


Deux époques différentes, deux philosophies qui le sont aussi
Au volant, les différences entre les voitures sont évidemment nombreuses (le contraire aurait été surprenant). Les 504, et surtout la 504 berline, offrent par exemple un moelleux absolument remarquable, quand la 508 est plutôt du genre ferme, et même parfois sèche sur routes bosselées. Les mécaniques des différentes 504 se montrent dans l'ensemble moins effacées que celles de la 508 qui, en revanche, s'avèrent bien plus efficaces, plus "efficientes" même comme on dit maintenant. Elles allient performances convenables, voire séduisantes dans le cas du 225 ch, et appétit mesuré – Peugeot annonce 5,4 litres/100 km en cycle mixte pour ce même PureTech 225 ch. Elles sont en outre parfaitement secondées par une boîte automatique à huit rapports bien réglée. Sur les 504, il faut s'accommoder d'une boîte manuelle comptant en général deux fois moins de rapports, et au maniement pas vraiment agréable.
Qu'elle soit berline, cabriolet ou coupé, quatre ou six-cylindres, la 504 est en fait une formidable compagne pour les balades du dimanche. On la conduit le coude à la portière, en humant l'air frais à bord du cabriolet décapoté, ou bien l'odeur si particulière du vieil habitacle dans la berline ou le coupé. La 508, elle, joue une autre partition, plus moderne donc forcément moins chaleureuse, mais aussi diablement plus efficace.



La berline 504 mérite que l'on s'attarde sur son cas quelques instants car au fond, c'est bien elle qui nous a le plus surpris. Alors que nous l'imaginions volontiers poussive, nous avons finalement constaté que ses performances étaient loin d'être ridicules. Notre GL n'a eu aucune peine à s'insérer dans le flot actuel de la circulation, du moins sur le réseau secondaire (nous ne l'avons pas conduite sur autoroute). Son quatre-cylindres 1971 cm3 de 93 ch se montre plein de bonne volonté, bien qu'il soit pénalisé par une boîte ne comptant que quatre vitesses.


La berline est aussi la 504 la plus dépaysante de notre trio. Avec ses suspensions ultra souples, ses assises moelleuses comme un fauteuil de salon et son joli velours bleu (qui ressemble d'ailleurs à celui du concept e-Legend), c'est elle qui s'éloigne le plus de nos voitures modernes. La direction extrêmement lourde en manœuvre date aussi la voiture, mais ça, pour le coup, c'est quelque chose que partagent nos différentes 504. Toutes sont par ailleurs fidèles aux roues arrière motrices, autre caractéristique qui les éloigne des Peugeot d'aujourd'hui.
La cabriolet et le coupé affichent un comportement routier un peu plus actuel, bien que les suspensions demeurent souples. Ils sont animés par le six-cylindres PRV (Peugeot Renault Volvo), qui montre deux visages bien différents selon le modèle. Lorsqu'elle fonctionne avec des carburateurs, ce qui est le cas sur le cabriolet, cette mécanique est dans l'ensemble décevante, aussi bien sur le plan des performances que sur celui de l'agrément de conduite. Avec l'injection, dont bénéficie le coupé, les choses s'améliorent sensiblement. D'une part, la puissance passe de 136 à 144 ch, avec quelques gains de performances à la clef, et de l'autre, le moteur devient beaucoup moins rugueux.
À la découverte de l'univers Peugeot
Une promenade en Franche-Comté, c'est aussi l'occasion de découvrir l'univers Peugeot et, plus généralement, le fabuleux patrimoine de cette belle région. Le début de notre périple a d'ailleurs été marqué par une visite des ateliers de l'Aventure Peugeot, là où nous attendaient nos compagnes de quelques jours. Dans ce bâtiment d'une propreté remarquable, des mécaniciens spécialistes de la marque s'activent pour redonner vie à de vieilles sochaliennes fatiguées par le temps. Avec passion et minutie, naturellement.
À quelques mètres des ateliers de restauration, le musée de la marque rappelle à quel point l'histoire de Peugeot est riche. On y trouve, évidemment, beaucoup de voitures, parfois connues (203, J9, 504 et bien d'autres encore), parfois moins (concept Vera, 504 en inox, etc), ou simplement oubliées (le concept 907 à moteur douze cylindres par exemple). Mais on y voit également des vélos, des deux-roues, des lames de scie ou même des armes à feu, autant d'objets jadis produits par la marque française.


Le site de Terre Blanche, lui, n'est pas à Sochaux mais dans la commune avoisinante d'Hérimoncourt. Ce bâtiment d'une superficie de 2500 m² regroupe toutes les archives patrimoniales de PSA Peugeot Citroën, ce qui représente une masse considérable de documents répartis dans sept magasins différents. L'équipe de Terre Blanche classe sans cesse, restaure quand cela est nécessaire, numérise autant que faire se peut, bref, travaille à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine de Peugeot et de Citroën. Elle manie des documents souvent rares, parfois uniques, comme des croquis d'époque, des actes juridiques (celui marquant la naissance de Peugeot en 1810 notamment) ou encore des comptes-rendus en tout genre. Ces fonds d'une grande valeur – de complexes systèmes anti-incendie les protègent d'ailleurs des flammes – sont mis à disposition d'historiens et, plus généralement, de chercheurs.
Le site de Terre Blanche, c'est aussi un entrepôt dans lequel se trouvent des dizaines et des dizaines de Peugeot, ainsi que quelques Panhard. Des concept-cars ayant jadis brillé dans un hall de salon automobile, des prototypes finalement sans suite, des voitures utilisées dans des pubs (notamment la 206 de la pub indienne), il y a là une faune tout bonnement incroyable, bien rangée sur des étagères géantes.

Au-delà de ces découvertes en lien direct avec l'automobile, le programme comportait également une halte dans l'usine de Peugeot Saveurs, là où sont fabriqués des salières, des poivrières, des moulins à café, mais aussi des couteaux, des carafes ou encore des tire-bouchons Peugeot. Dans ce lieu, de nombreuses personnes travaillent de concert avec des machines robotisées pour fabriquer des pièces dignes des exigences de qualité de Peugeot Saveurs, qui souhaite s'établir durablement sur le marché du haut de gamme.
Notre périple a aussi été marqué par une halte dans la cave de comté du Fort Saint-Antoine. Dans ce lieu où la température n'excède guère les 6 degrés, des milliers de comtés attendent leur heure, non sans dégager une forte odeur d'ammoniaque. Au terme d'un long processus d'affinage, ils iront garnir les meilleurs plateaux de fromages de France et d'ailleurs.

Conclusion
Dans le fond, une expérience comme celle-ci montre à quel point Peugeot a, comme les autres constructeurs, beaucoup progressé en l'espace de quelques décennies. Elle permet aussi de constater que la petite dernière a beaucoup de potentiel. Bien fabriquée, joliment dessinée, agréable à conduire, elle accumule les bons points. Hormis l'amortissement parfois un peu trop ferme, l'habitabilité moyenne à l'arrière et le manque de noblesse mécanique, nous n'avons pas grand-chose à lui reprocher.

En prenant un peu de recul, on réalise avec ce type d'expérience que le temps est presque toujours un allié pour une voiture. Alors qu'un modèle récent n'a pas droit à l'erreur, sous peine d'être sévèrement épinglé par ceux qui le testent, une voiture âgée comme la 504 échappe souvent aux critiques, même lorsqu'elle avoue sérieusement ses limites. Comble de la mauvaise foi, ses défauts sont souvent considérés comme indissociables de son charme ! Ce n'est pas très juste, mais c'est comme ça. La 508 connaîtra peut-être cette douce impunité dans une cinquantaine d'années, mais avant cela, elle a une carrière à mener, un succès à forger, une image à construire dans l'imaginaire des Français. Et contrairement à la 504 en son temps, le contexte ne lui est pas vraiment favorable, les berlines étant reléguées au second plan depuis quelques années déjà. Mais qui sait, peut-être sera-t-elle justement celle qui redonnera un peu de vigueur à ce segment !