La semaine dernière, la Dodge Viper Concept était la star de cette série sur les concept cars. La belle américaine, d'abord présentée sous forme d'étude de style a eu le droit à sa version en série. Le contraire de la Volkswagen Nardo, ou bien avant elle, la Mercedes C111.
Il faut remonter à 1969 pour voir ce nom apparaître dans les catalogues de la marque allemande. Une époque où Led Zeppelin commence à faire ses (bons) ravages sur les ondes, tandis qu'en France, Joe Dassin, Michel Polnareff ou Georges Moustaki trustent le Top 50. C'est aussi la fin de l'époque De Gaulle comme président de la République.
Bref, la France, comme l'Europe, profite de l'essor des Trente glorieuses. En Allemagne, on souhaite montrer la grandeur retrouvée de l'ingénierie. Mercedes travaille sur un nouveau concept car, bien loin des créations de la marque. Pas question de berlines ou de GT carrés. La marque à l'étoile souhaite une nouvelle voiture, moderne, innovante, qui se veut l'archétype de la future sportive des années 1970.



Plusieurs solutions techniques sont vites adoptées. Dès le début de la conception de l'auto en 1967, plusieurs paris sont pris : celui de l'aérodynamisme, du moteur rotatif dit wankel et de la carrosserie en plastique.
Évolutive
À Francfort, en 1969, Mercedes présente un premier prototype. Déjà, on retrouve les grandes lignes. Une teinte orange pimpante bien dans l'air du temps, des portes papillons, comme sur la 300 SL des années 1950, et ce moteur wankel, à trois pistons rotatifs, en position centrale arrière. Côté style, c'est, avouons-le, très maladroit. Feux ronds à l'avant, très carrés à l'arrière. On le sent, la voiture n'a pas été dessinée pour être belle. Logique : ce premier modèle est une voiture laboratoire.



Il faudra attendre le salon de Genève, début 1970, pour voir arriver la C111 Type II, la plus marquante de toutes. Le dessin est de Bruno Sacco, l'homme du style Mercedes, qui dessinera aussi la 190, quelques années plus tard. La voiture est évidemment très aboutie, et surtout, très en avance sur son temps. La ligne générale de la voiture rappelle celle des Maserati Merak ou Lamborghini Urraco qui n'arriveront qu'un peu plus tard sur le marché. De face, elle fait presque penser à un TGV. Drôle de coïncidence, pour une auto sensée foncer comme sur des rails !



Des lignes évidemment très carrés, mais qui restent fluides sur la Mercedes. C'est une voiture qui, en effet, a été très étudiée en soufflerie. D'ailleurs, son Cx atteint la valeur de 0,325. Impressionnant pour une voiture qui n'est pas destinée à la course. De profil, la ligne est équilibrée, racée, et semble toujours offrir ces doucereux arrondis.



Même regard sur l'arrière, où des feux ronds apparaissent. On est bien loin du dessin très carré des Mercedes de l'époque. À l'intérieur, on retrouve tout de même une petite ambiance digne des années 1960, à l'image de ce volant, tout droit sorti des sixties, et cette sellerie typique des voitures sportives allemandes.
Sous le capot, on retrouve un petit moteur rotatif wankel à quatre pistons. Enfin, petit, tout est relatif : il développe 350 chevaux, et avec un poids réduit de 1240 kg permet d'abattre le 0 à 100 km/h en moins de 4,6 secondes. Un bloc, associé à une boîte 5 vitesses, et qui permet d'atteindre les 300 km/h. Démentiel pour une voiture de série, à l'époque où les Porsche 917 dépassent allègrement les 350 km/h dans les Hunaudières, au Mans.



C'est certain, la voiture marque une cassure radicale dans les créations de la marque à l'étoile, et cela séduit. À Genève, les clients se pressent déjà pour prendre commande de la voiture. L'un d'eux fait même un chèque en blanc, en attendant la mise en production ! Mercedes n'a pourtant pas décidé de la produire en série. Et ne franchira jamais le pas.
En 1971, Mercedes abandonne l'idée d'une mise en production. Plusieurs raisons : le moteur wankel ne donne pas satisfaction à la marque, aussi bien en rendement, qu'en fiabilité, qu'en propreté ! Mercedes aurait souhaité la vendre aux États-Unis, et, protectionnisme oblige, les normes anti-pollution sont drastiques. Mercedes abandonne donc tôt le wankel, presque visionnaire, deux ans avant le choc pétrolier.
Une histoire sans fin
Surtout, la sécurité des voitures est désormais pointée du doigt, et la carrosserie en plastique de la voiture est bien trop friable pour espérer une mise en série. La Mercedes C111 restera donc au stade de projet.


Jusqu'en 1973, où elle revient sous une forme un peu évoluée de voiture des records. La crise pétrolière qui aurait définitivement pu l'enterrer la fait renaître : la voiture servira au développement de moteurs à plus grande efficience. Elle est désormais équipée de blocs diesel allant de 190 à 230 chevaux. Elle remportera 16 records mondiaux, dont 13 dans la catégorie diesel et dans des versions très travaillées aérodynamiquement.



Elle poursuivra sa carrière avec plusieurs évolutions, et un moteur essence, dans sa dernière version. Un V8 de 500 chevaux, et une pointe à plus de 400 km/h.
L'étoile de Mercedes aura donc connu une carrière à l'image de sa ligne, filante. La comparaison est belle d'ailleurs. N'est-ce pas là le principe d'une étoile filante. Un moment bref, admirable, mais qui reste dans les esprits longtemps, jusqu'à aujourd'hui ?