Vous n'êtes sans doute pas passé à côté de l'information ces derniers jours : après Volvo en 2019, c'est à Renault d'annoncer son souhait de limiter la vitesse maximale sur ses véhicules. Et la vitesse d'être ainsi bridée à 180 km/h, et ce dès la sortie de la prochaine Mégane-E prévue pour 2022.
Mais alors que les routes sont de toute façon limitées à 130 km/h maximum en France, que cache cette annonce ? Pourquoi Renault a-t-il fait ce choix ? Est-ce vraiment une révolution ou juste un effet d'annonce ? Qu'est ce que cela va changer concrètement pour les automobilistes ?
Contexte
D'abord, reprécisons le contexte. D'où sort cette annonce de vouloir baisser la vitesse des Renault à 180 km/h ? Cette décision a été annoncée lors de l'Assemblée générale du Groupe du vendredi 23 avril 2021, à l'occasion de précisions apportées sur les volets environnementaux et sécuritaires de la "Renaulution".
La Renaulution, mot-valise qui contracte les mots "Renault" et "Révolution", est le grand plan stratégique voulu par le nouveau grand patron de Renault, Luca de Meo. Connu pour être un génie du marketing, celui qui a notamment remis sur les rails Seat et lancé la marque Cupra, il a expliqué que cette décision de baisser la vitesse maxi à 180 km/h permettrait de contribuer à réduire le nombre d'accidents sur les routes. C'était également l'argument premier de Volvo lors de son annonce en 2019, le constructeur suédois dont on sait qu'il est particulièrement attaché à la sécurité sur la route.
On se méfie d'un serpent, pourquoi pas de la vitesse ?
Retour en 2019, au moment où Volvo annonçait sa volonté d'abaisser sa vitesse maximale de ses voiture. "Les conducteurs ne se rendent tout simplement pas compte du danger de la vitesse" déplorait alors Jan Ivarsson, l’un des principaux experts en sécurité de Volvo Cars.
Et de poursuivre : "En tant qu’êtres humains, nous n’avons aucun mal à nous méfier des serpents, des araignées ou de la hauteur. Avec la vitesse, c’est complètement différent. Les gens roulent souvent trop vite dans certaines situations. Ils surestiment leurs capacités et peinent à adapter leur vitesse à leur environnement. Il est de notre devoir de les responsabiliser et de leur faire comprendre qu’une vitesse excessive représente un danger".
Alors oui, on peut percevoir un côté un peu moralisateur de la part du constructeur qui souhaite "responsabiliser" en imposant une limitation. Mais Volvo assumait sa responsabilité de le faire. Avec une pointe de modestie, et un argument imparable d'Håkan Samuelsson, PDG de Volvo Cars: "Si limiter la vitesse n’est pas un remède miracle, une seule vie sauvée suffirait à faire de cette initiative un succès".
Coup de com'
Alors oui, il est clair que ça ressemble plus à un coup de com' qu'à autre chose. Les automobilistes roulant à 180 km/h ou plus sont évidemment plus que minoritaires. Alors l'annonce créée d'avantage un effet psychologique dans la tête des clients, qu'un véritable effet castrateur. Renault se rapproche de Volvo sur ce point de la sécurité, véritable référence en matière de sécurité.
Le fait de baisser la vitesse imprime aussi une image selon laquelle c'est meilleur pour l'environnement on roule moins vite, et donc on consomme moins. Là encore c'est sans doute anecdotique. Mais là encore, l'argument environnemental est plus que jamais dans l'air du temps.
L'un dans l'autre, cette annonce n'a sans doute aucun aspect négatif dans l'esprit des consommateurs, en dépit de son côté autoritaire. On reconnaît bien là le génie marketing de Luca de Meo !
Qu'est ce que ça change pour les automobilistes ?
Très concrètement ? Rien du tout. Si vous respectez les limitations de vitesse, alors que la voiture puisse rouler à 180, 250 ou 300 km/h, de toute façon vous ne pouvez dépasser les 130 km/h. Quand bien même vous roulez en Alpine, véhicule sportif par excellence, ça ne changerait rien de brider la vitesse à 180 km/h. Sauf évidemment si vous êtes adeptes des sorties sur circuit.
En revanche, ça annonce quand même un changement sous-jacent, celui de l'arrivée de la voiture électrique. Celle-ci en effet n'est pas réputée pour sa vitesse de pointe qui impacte très sérieusement l'autonomie de la voiture.
Mais alors pourquoi 180 km/h et pas directement 130 km/h ?
Ne pas faire fuir la clientèle allemande
Fort heureusement, Renault ne vend pas que des véhicules en France. Et parmi le trio de tête des pays qui achètent le plus de Renault, il y a l'Allemagne. Et comme vous le savez, en Allemagne, certaines portions de l'Autobahn (l'autoroute allemande) n'ont pas de limitations de vitesse. Il est donc possible d'y rouler à la vitesse que l'on souhaite.
En choisissant 180 km/h, Renault, comme Volvo d'ailleurs avant lui, a sûrement cherché dans une certaine mesure à ne pas se mettre sa clientèle allemande à dos.
Bientôt d'autres constructeurs ?
"Les constructeurs ont-ils le droit, voire l’obligation, d’installer des systèmes embarqués qui modifient le comportement du conducteur pour lutter contre les excès de vitesse, la conduite en état d’ivresse ou la distraction ? Nous n’avons pas de réponse catégorique à cette question, mais nous pensons devoir prendre les devants et faire figure de pionniers".
C'est ainsi que le PDG de Volvo avait lancé le débat il y a deux ans. Et si la concertation entre tous les constructeurs automobiles ne semble pas être à l'ordre du jour, en tout cas Renault est le premier à emboiter le pas au constructeur suédois. Et il ne sera sans doute pas le dernier !